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Un drame érotique plus distant que séduisant

Au milieu du troisième long-métrage d’« Emmanuelle », la réalisatrice française Audrey Diwan, un producteur malhonnête entame une conversation avec le personnage principal dans le spa d’un hôtel. « Seuls deux types de clients fréquentent les hôtels de luxe, ronronne-t-il à Emmanuelle : ceux qui rôdent et ceux qui sont en fuite. »

Le fait qu’Emmanuelle (une Noémie Merlant bouillonnante) soit du premier type est l’un des principes fondamentaux de ce film sporadiquement sexy, souvent distant et parfois ridicule, qui marque une sorte de départ pour Diwan. Tout comme son excellente étude de personnage « Happening » – sur une femme cherchant à avorter dans la France du milieu du siècle – « Emmanuelle » est à nouveau une adaptation littéraire, même si les similitudes s’arrêtent là. Le nouveau film est basé sur le roman d’Emmanuelle Arsan de 1967, qui a donné naissance en 1974 à une adaptation très différente : un phénomène pornographique soft-core du même nom.

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En réadaptant le livre, Diwan — qui a été approchée pour faire le film par les producteurs et a écrit le scénario aux côtés de la réalisatrice de « Other People’s Children » Rebecca Zlotowski — essaie de recadrer l’histoire avec une touche féminine, notamment en séparant la poursuite du plaisir personnel des hommes (et des femmes) dont Emmanuelle partage souvent le lit.

Le film s’ouvre en plongeant le spectateur directement dans l’action. Dans un jet en première classe, Emmanuelle, vêtue d’une robe moulante et de talons, fait les yeux doux à l’homme d’affaires assis en face d’elle. Bientôt, elle se dirige vers la cabine de toilette, où elle rencontre l’étranger pour une séance rapide de coups et de grognements. Ce schéma se répète une fois qu’Emmanuelle arrive à destination : un hôtel chic de Hong Kong appelé le Rosefield. Assise à côté d’un couple au bar un soir, elle flirte sans effort pour se lancer dans un ménage à trois.

Dans les deux cas, Emmanuelle a apparemment réussi. Il y a juste un problème : une fois qu’elle a les objets de son désir dans ses griffes, son regard passe de l’invitant au vide. Emmanuelle n’a aucun mal à se préparer pour la partie appât de la rencontre. Elle ne ressent rien pendant les actes sexuels — et finit donc par faire semblant, le visage vide et les yeux morts. Comment notre séductrice peut-elle se pencher et en profiter ?

Telle est la question qui anime « Emmanuelle », qui suit une femme au travail sensuelle qui lutte pour concilier son désir considérable avec ce Saint Graal insaisissable : la gratification féminine. Le film tente de prendre le monde du plaisir au sérieux – tellement au sérieux, en fait, qu’il en fait une carrière. Emmanuelle, nous l’apprenons bientôt, séjourne au Rosefield en tant que « requin » : une inspectrice du contrôle qualité déployée par le plus grand groupe hôtelier pour évaluer les équipements de l’hôtel. Séjournant dans une suite penthouse, Emmanuelle évalue l’expérience de Rosefield tout en gardant un œil sur la glaciale directrice de Rosefield, Margot (Naomi Watts), que ses patrons soupçonnent d’incompétence.

Le fait que cette intrigue secondaire concernant Margot se révèle largement secondaire par rapport à Emmanuelle ne devrait pas être une grande surprise. Diwan a décidé de faire de l’érotisme, après tout, et au milieu de la série de scènes de sexe théâtrales et ultra-élégantes de ce film, il y a peu d’endurance pour tout ce qui va au-delà de l’accumulation et de l’accumulation, puisque notre fille ne peut pas atteindre la libération. Kei (Will Sharpe, qui semble s’efforcer d’approfondir sa voix de plusieurs octaves) lui offre cependant une chance. Ingénieur américain au visage impassible, Kei est un client régulier de Rosefield dont le mystère obsède Emmanuelle. « Vous courez après un fantôme », hausse les épaules le service de sécurité de l’hôtel, quand Emmanuelle demande des éclaircissements sur la routine erratique de Kei.

Au fil du temps, la présence spectrale de Kei devient une métaphore de la satisfaction sexuelle insaisissable d’Emmanuelle. Comme son propre plaisir, cette voyageuse insomniaque est difficile à cerner. Diwan extériorise également la quête de plaisir d’Emmanuelle dans son environnement : le Rosefield immaculé mais austère, un lieu aussi rébarbatif que somptueux. À un moment donné, Margot révèle même à Emmanuelle qu’une aile secrète de l’hôtel est encore en construction ; Margot réussit à la cacher aux clients en engageant une équipe de construction qui travaille en silence.

Silencieux, bruyant, aride, frais : toutes ces qualités peuvent aussi s’appliquer aux corps, et c’est le cas tout au long de ce voyage érotique, qui s’attarde autant sur le rasoir d’Emmanuelle qui lui passe le long de la jambe que sur les pensées et les motivations de son personnage. C’est probablement pour le mieux, car les dialogues du film sont en grande partie constitués de bric-à-brac. (Peut-être que « tu sembles être à cheval sur les règles, mais tu ne les respectes pas toujours, n’est-ce pas ? » sonnait mieux dans le français natif des scénaristes.) Quand, devant un café d’hôtel, Emmanuelle tape du doigt sur le comptoir pour reproduire pour Kei le rythme auquel un homme s’enfonce en elle, le moment semble tout droit sorti de « 50 nuances de Grey » de Sam Taylor-Johnson – sauf que les deux sont des Christian Grey sur leurs gardes, sans Anastasia Steele aux yeux écarquillés pour équilibrer l’ambiance.

Diwan préfère évidemment Wong Kar-wai à Taylor-Johnson, « Lost in Translation » à « Showgirls ». Mais en cherchant à créer une atmosphère sensuelle, elle atterrit dans un no man’s land érotique, où la mise en scène dramatique mais évidente – comme un plan orbital où Emmanuelle atteint enfin l’orgasme – n’est pas assez surprenante ou évocatrice pour compenser les monologues idiots et les caractérisations vides de sens.

Il est déconcertant de voir une cinéaste talentueuse comme Diwan consacrer son temps de tournage à des décors austères et sans substance. En voyant l’anticlimax, vous pourriez vous retrouver à la recherche d’étincelles d’intérêt, comme le bouquet exotique dans le hall de Rosefield qui s’affaisse au fil de la journée. Parlons d’une petite mort. Ou que dire de la ligne directrice du film sur la surveillance, reflétée dans la salle d’observation CCTV de l’hôtel et la caméra selfie du téléphone d’Emmanuelle ? En effet, la scène la plus sexy du film voit notre tentatrice entrer dans la chambre de Kei et prendre des photos nues d’elle-même sans un mot sur son lit. Alors qu’Emmanuelle s’observe à travers son objectif, une pulsation autoérotique palpite à travers le film comme un battement de cœur. C’est peut-être un battement faible, mais au moins c’est une preuve de vie.

Note : C+

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