Une méta-analyse récente publiée dans Le journal de médecine sexuelle a trouvé un lien significatif entre l’impulsivité et à la fois l’utilisation générale de la pornographie et l’utilisation problématique de la pornographie. L’étude souligne que des dimensions spécifiques de l’impulsivité, telles que l’impulsivité attentionnelle, l’impulsivité non planifiée et l’urgence positive, sont particulièrement associées à des modes d’utilisation problématiques. Ces résultats suggèrent que les traits d’impulsivité peuvent servir de facteurs de risque pour développer des comportements compulsifs liés à la consommation de pornographie.
Avec l’essor de l’accessibilité à Internet, la pornographie est devenue une forme de divertissement courante pour de nombreuses personnes. Alors que certaines personnes consomment de la pornographie à des fins récréatives, d’autres développent des modes de consommation compulsifs qui entraînent d’importants problèmes personnels et sociaux. Connu sous le nom d’utilisation problématique de pornographie, ce comportement se caractérise par une consommation excessive et incontrôlable, souvent malgré des conséquences néfastes telles que des problèmes relationnels, des problèmes de santé mentale et des difficultés financières.
Des études antérieures ont suggéré que l’impulsivité – un trait de personnalité lié au fait d’agir selon ses pulsions sans considérer les conséquences – pourrait jouer un rôle dans ces comportements. Cependant, la littérature existante sur ce sujet a produit des résultats mitigés. Pour clarifier ces résultats, des chercheurs de l’Université de Florence ont mené une méta-analyse. Leur objectif était d’évaluer la relation globale entre l’impulsivité et l’utilisation de la pornographie et d’examiner si certaines dimensions de l’impulsivité étaient plus fortement associées à des comportements problématiques.
La méta-analyse a synthétisé les données de 27 études, portant sur des milliers de participants dans le monde entier. Les études ont été incluses si elles évaluaient l’utilisation de la pornographie, l’utilisation problématique de la pornographie et l’impulsivité ou des traits associés. Les chercheurs ont utilisé des bases de données universitaires majeures, notamment Medline, Scopus et Web of Science, pour identifier les articles pertinents publiés jusqu’en septembre 2023.
La qualité de chaque étude a été évaluée et les chercheurs ont extrait des informations sur les données démographiques des participants, les mesures d’impulsivité et les relations entre les traits d’impulsivité et l’utilisation de la pornographie. Des dimensions spécifiques de l’impulsivité, telles que l’impulsivité attentionnelle, l’impulsivité non planifiée et l’urgence, ont été analysées à l’aide de modèles statistiques pour déterminer leurs associations avec une utilisation problématique de la pornographie.
Pour tenir compte de la variabilité entre les études, les chercheurs ont utilisé des modèles à effets aléatoires. Ils ont également mené des méta-régressions pour explorer comment des facteurs tels que l’âge et le sexe ont influencé la relation entre l’impulsivité et l’utilisation problématique de la pornographie.
Les chercheurs ont découvert que l’impulsivité générale était modérément associée à l’usage récréatif et problématique de la pornographie. Les individus ayant des scores d’impulsivité plus élevés étaient plus susceptibles de consommer de la pornographie et de développer des modèles d’utilisation qui interfèrent avec leur vie personnelle et sociale. Cette relation suggère qu’une large tendance à agir de manière impulsive, sans délibération ni planification à long terme, augmente la vulnérabilité aux comportements problématiques.
En examinant les traits spécifiques de l’impulsivité, l’étude a révélé des résultats nuancés. L’impulsivité attentionnelle, qui reflète la difficulté à rester concentré et la susceptibilité à la distraction, était fortement liée à une utilisation problématique de la pornographie. Cela suggère que les individus qui ont du mal à maintenir leur attention peuvent être particulièrement enclins à s’engager de manière impulsive dans la pornographie en ligne, car l’accessibilité et la nouveauté du média attirent leurs tendances distraites.
L’impulsivité non planifiée, ou l’accent mis sur les récompenses immédiates plutôt que sur les résultats à long terme, était un autre prédicteur important de l’utilisation problématique de la pornographie. Les personnes présentant ce trait peuvent donner la priorité à la gratification instantanée procurée par la pornographie sans tenir compte de ses conséquences négatives potentielles, telles que des problèmes relationnels ou une détresse émotionnelle.
L’urgence positive – la tendance à agir de manière impulsive lors de moments d’émotion positive accrue – est également apparue comme un facteur de risque, quoique avec une ampleur d’effet moindre. Cette découverte indique que les personnes éprouvant des émotions positives intenses peuvent se tourner vers la pornographie pour accroître leur sentiment de plaisir immédiat.
Fait intéressant, l’étude a révélé une divergence dans le rôle de la recherche de sensations – un désir d’expériences nouvelles et stimulantes. Bien que la recherche de sensations soit positivement associée à l’usage général de la pornographie, elle ne montre aucune relation significative avec l’usage problématique de la pornographie. Cela suggère que même si les individus ayant de fortes tendances à la recherche de sensations peuvent explorer la pornographie pour sa nouveauté et sa variété, ces traits à eux seuls ne suffisent pas à expliquer la transition vers des schémas problématiques.
Les chercheurs ont également découvert des effets modérateurs de l’âge et du sexe dans la relation entre l’impulsivité et l’utilisation problématique de la pornographie. Les hommes présentaient un lien plus fort que les femmes entre impulsivité et consommation problématique. Cette différence peut être influencée par des facteurs sociétaux et culturels, dans la mesure où les hommes déclarent généralement des taux plus élevés de consommation de pornographie.
De plus, les individus plus jeunes ont montré une association plus forte entre les traits d’impulsivité et la consommation problématique. Cela peut être attribué à des facteurs de développement, tels qu’un cortex préfrontal moins mature, qui régit le contrôle inhibiteur et la prise de décision.
Les résultats mettent en évidence le rôle de l’impulsivité dans l’utilisation problématique de la pornographie, en soulignant particulièrement l’importance de l’impulsivité attentionnelle, de l’impulsivité non planifiée et de l’urgence positive. Mais comme pour toute recherche, il y a certaines limites à considérer.
Premièrement, de nombreuses études incluses reposaient sur des conceptions corrélationnelles, ce qui rendait difficile la détermination de la causalité. Des recherches longitudinales sont nécessaires pour clarifier si l’impulsivité conduit à une utilisation problématique de la pornographie ou si les comportements exacerbent les traits d’impulsivité au fil du temps.
Deuxièmement, l’analyse incluait principalement des études menées dans des pays occidentaux, ce qui limitait la généralisabilité des résultats aux populations non occidentales. Les recherches futures devraient explorer les différences culturelles en matière de consommation de pornographie et d’impulsivité.
Troisièmement, même si l’étude a identifié le sexe et l’âge comme facteurs modérateurs, elle n’a pas exploré pleinement les mécanismes sous-jacents à l’origine de ces différences. L’étude du rôle des facteurs sociaux, hormonaux et neurologiques pourrait fournir des informations plus approfondies.
Enfin, les chercheurs ont noté que l’impulsivité est une construction complexe aux multiples facettes. Des études expérimentales sont nécessaires pour identifier des interventions spécifiques capables de cibler efficacement ces caractéristiques et de réduire le risque d’utilisation problématique de la pornographie.
L’étude, « Utilisation de la pornographie, utilisation problématique de la pornographie, impulsivité et recherche de sensations : une méta-analyse, » waest rédigé par Sara Bocci Benucci, Cristian Di Gesto, Simon Ghinassi, Silvia Casale et Giulia Fioravanti.