Une pandémie de désespoir | Newswise
Newswise — Près de trois fois plus de Canadiens – près de 8 % – ont pensé au suicide au cours de la première année de la pandémie de COVID-19 que les années précédentes, selon une nouvelle étude menée par des chercheurs de l’Université de Montréal.
S’appuyant sur un sondage en ligne mené auprès de près de 1 800 adultes canadiens, l’étude a également révélé que les idées suicidaires étaient près de deux fois plus élevées (près de 11 %) chez les jeunes dans la vingtaine que chez les personnes de 30 ans et plus (6,6 %).
Les résultats sont publié ce mois-ci dans la revue Nature Scientific Reports.
« C’est un sujet sensible », reconnaît le premier auteur de l’article, Guillaume Dubé, qui était étudiant au baccalauréat en sociologie à l’UdeM au moment de l’étude et s’apprête maintenant à débuter un doctorat en épidémiologie.
« Pourquoi la pandémie a-t-elle poussé les gens à penser au suicide ? Il y a plusieurs raisons, la perte d’emploi à cause de la crise étant l’une d’entre elles majeure », a déclaré un professeur de sociologie Éric Lacoursequi a co-dirigé l’étude avec le professeur de psychologie Roxane de la Sablonnière.
« Et ce n’est pas surprenant dans le contexte de changement social dramatique provoqué par la COVID-19, qui a affecté non seulement la société dans son ensemble, mais aussi les comportements individuels », a déclaré Mme de la Sablonnière.
Membres de l’UdeM Laboratoire sur les changements sociaux, l’adaptation et le bien-êtreelle et Lacourse ont mené l’étude avec Dubé, aidés de collègues de l’Université McGill, du Massachusetts Institute of Technology et de l’Université Ben-Ilan d’Israël.
Une enquête nationale
L’étude s’appuie sur les données d’un sondage mené auprès de 3 617 Canadiens intitulé « COVID-19 Canada : la fin du monde tel que nous le connaissons? », réalisé par la firme de sondage Delvinia entre avril et mai 2021. Pour l’étude, les données de 1 793 de ces personnes ont été analysées.
Les idées suicidaires se sont avérées élevées au cours de la première année de la pandémie, avec un taux d’incidence ajusté selon l’âge de 7,6 %, soit près de trois fois le taux annuel de 2,7 % d’avant la pandémie, ont constaté Dubé et ses collègues.
Le simple fait d’être plus jeune, combiné à des facteurs économiques comme la perte d’emploi pendant la pandémie, rend les gens plus susceptibles de penser au suicide qu’auparavant, suggère l’étude.
Le suicide est un sujet de préoccupation majeur pour les jeunes. Dans l’ensemble, 21,7 % des personnes dans la vingtaine ont déclaré avoir pensé au suicide à un moment donné de leur vie, contre 13,1 % des personnes interrogées âgées de 30 ans ou plus.
« Un indicateur vital »
Pour l’étude, les idées suicidaires « ont servi d’indicateur essentiel pour évaluer les niveaux de détresse psychologique chez les individus de la population canadienne pendant la période de pandémie », ont noté Dubé et ses coauteurs dans leur article.
« Notre étude concorde avec la littérature scientifique existante indiquant que la pandémie de COVID-19 a eu un impact disproportionné sur les jeunes générations », ont-ils ajouté, soulignant son « impact exceptionnel… sur ce groupe démographique ».
De plus, « la perte d’emploi pendant la pandémie a effectivement joué un rôle dans l’idéation suicidaire chez les Canadiens », ont-ils déclaré. Cependant, même en tenant compte de ce facteur, « l’âge demeure un facteur important dans cette analyse ».
Les auteurs concluent : « Compte tenu des défis sociopolitiques actuels posés par la pandémie de COVID-19, nos résultats soulignent l’impératif de donner la priorité au bien-être mental des jeunes adultes dans les futures stratégies et politiques de santé publique. »
Pour plus d’informations, en français, sur les intentions suicidaires et comment y faire face, consultez le Site Internet du Projet InterCom.
À propos de cette étude
« Preuve d’une augmentation des idées suicidaires chez les jeunes adultes au Canada pendant la pandémie de COVID-19 », par Guillaume Dubé et al., a été publié 7 août 2024 dans Nature Scientific Reports. Le financement a été fourni par les Instituts de recherche en santé du Canada et le Conseil de recherches en sciences humaines.