Chez les êtres vivants, les structures sont construites à partir de modèles simples et reproductibles. Ceux-ci se présentent souvent sous la forme d’un réseau désorganisé. Les grandes structures, comme les os ou les coraux, émergent de cycles répétés de croissance d’un modèle fondamental qui se construit de lui-même de manière aléatoire.
Malgré cette désorganisation apparente, les structures résultantes peuvent acquérir une variété de formes et présenter des résistances, une polyvalence et d’autres propriétés utiles surprenantes. Plus important encore, la structure résultante possède souvent des propriétés que l’unité de réseau sous-jacente ne possède pas. Par exemple, les cellules osseuses individuelles ou les squelettes de polypes coralliens ne sont pas très solides, mais lorsqu’ils travaillent ensemble, ils peuvent soutenir d’énormes animaux ou de gigantesques colonies sous-marines.
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S’inspirant de la nature, les ingénieurs ont cherché à reproduire cette flexibilité avec des matériaux conçus par l’homme. L’objectif est de créer des matériaux utiles qui peuvent être construits à partir de la croissance répétée d’un motif sous-jacent, où la nouvelle structure acquiert des propriétés que le motif sous-jacent ne possède pas seul. Une avancée supplémentaire est l’étude des métamatériaux, qui sont des structures capables de modifier leur forme ou leurs propriétés grâce à l’application d’une simple force externe, comme un champ électrique ou une compression.
Ces types de matériaux sont particulièrement intéressants pour les applications spatiales. Nous serions ravis de lancer une charge utile composée de matériaux simples, puis de faire en sorte que ces matériaux s’assemblent – et se réassemblent – dans l’espace. Cela éviterait les défis liés aux tests et à la mise à l’épreuve des lancements de grandes structures complexes, comme les habitats et télescopeset donnez-nous la flexibilité de modifier ces structures si les besoins de la mission sont mis à jour.
Un type prometteur de métamatériau est connu sous le nom de réseau totimorphe. L’élément de base de ce réseau est une structure triangulaire. D’un côté se trouve une poutre fixe avec une rotule au centre. Un bras se fixe à cette rotule et l’autre extrémité du bras est fixée aux extrémités de la poutre fixe avec deux ressorts. Lorsque plusieurs de ces formes sont attachées ensemble, la structure résultante peut se transformer en une grande variété de formes et de structures, le tout avec un apport très minimal. Cela confère au réseau totimorphe une incroyable flexibilité.
Dans un article récentles scientifiques de l’équipe des concepts avancés de l’Agence spatiale européenne ont fait un grand pas en avant en faisant passer les réseaux totimorphes d’une idée hypothétique à des applications pratiques. Une question majeure concernant ces treillis était de savoir comment reconfigurer une grande structure dans une autre forme sans que le treillis ne s’emmêle et comment accomplir cette transformation aussi efficacement que possible.
Les chercheurs ont développé une simulation informatique de réseaux totimorphes et ont découvert comment optimiser la transformation d’une forme en une autre.
Ils ont présenté leur nouvelle technique avec deux exemples. Dans le premier cas, ils ont conçu une structure d’habitat simple qui pouvait modifier sa forme et sa rigidité. Les futurs explorateurs de l’espace pourraient déployer le même type de matériel pour construire divers modules d’habitat. Ces modules conserveraient leur forme jusqu’à ce qu’ils soient reprogrammés pour changer de forme et répondre à un autre besoin.
Dans le deuxième exemple, les chercheurs ont conçu un télescope spatial flexible. Avec des réseaux totimorphes, le télescope pourrait changer sa focale en adaptant la courbure de sa lentille. Cela permettrait le lancement d’un télescope unique et polyvalent, capable de s’adapter et de se réadapter pour fournir les stratégies d’observation optimales pour diverses cibles.
Ce travail est cependant encore préliminaire. Les réseaux totimorphes sont encore hypothétiques ; nous n’avons en fait aucun de ces matériaux que vous pourriez tenir entre vos mains, et encore moins intégrer dans des télescopes spatiaux. Mais cette recherche est cruciale pour faire avancer l’humanité dans l’espace. Le coût et la difficulté du lancement de matériaux dans l’espace signifient que nous avons besoin de structures flexibles et adaptables, peu coûteuses à lancer et faciles à déployer.
En nous inspirant de la nature et en étudiant les propriétés surprenantes des métamatériaux, nous nous rapprocherons peut-être de nos objectifs spatiaux futuristes.