Les appels à sa démission, la dégringolade dans les sondages nationaux et les défaites aux élections partielles ne découragent toujours pas le premier ministre Justin Trudeau. Le chef libéral maintient qu’il reste à la tête de son parti aux prochaines élections fédérales, coûte que coûte. Voici les raisons pour lesquelles sa démission reste improbable à l’heure actuelle.
Personnel de combat de l’ONU
La décision du premier ministre de rester à la tête du parti remonte à près d’un an, affirme au Devoir une source libérale près du chef. « Il ne reviendra pas sur sa décision, quoi qu’il arrive », assure-t-elle.
La motivation la plus importante du chef libéral ? Affronter personnellement le chef conservateur Pierre Poilievre lors de la prochaine campagne fédérale.
« C’est son combattant personnel », témoigne notre source.
Car pour M. Trudeau, le combat contre Pierre Poilievre est également une lutte pour la démocratie canadienne.
« Il faut que les Canadiens comprennent qu’ils auront un choix important à faire lors de la prochaine élection concernant le type de pays que nous sommes », affirme-t-il au lendemain de sa défaite de l’élection partielle dans la circonscription montréalaise de LaSalle. -Émard-Verdun.
Son travail à la tête du Parti libéral du Canada (PLC) est d’ailleurs intimement lié à sa « raison d’être », at-il confié au journaliste Stephen Maher, l’auteur d’une biographie sur le premier ministre publiée plus tôt cette année.
« C’est pour cela que je suis entré en politique : pour avoir de grands débats sur notre identité en tant que pays et sur notre avenir. Et c’est ce que sera cette prochaine élection — car le contraste entre la vision que M. Poilievre propose et ce pour quoi nous travaillons chaque jour ne pourrait pas être plus clair », relate-t-il dans l’ouvrage.
Ne pas abandonner la course lui apparaît d’autant plus important dans le contexte où la perspective d’un prochain gouvernement conservateur semble de plus en plus plausible. En plus d’être à la traîne d’une vingtaine de points derrière les conservateurs dans les intentions de vote nationales, les libéraux ont perdu deux élections partielles dans des châteaux forts à Toronto et à Montréal au cours des trois derniers mois.
Dans l’entourage du premier ministre, on rappelle qu’il a souvent été sous-estimé par le passé, mais qu’il arrive toujours à remonter la pente, comme lors de ses deux réélections à la tête de gouvernement minoritaire, en 2019 et 2021.
Un calendrier serré
Depuis la rupture de l’entente conclue avec le Nouveau Parti démocratique, le gouvernement libéral pourrait tomber à tout moment d’ici la prochaine année.
Les conservateurs ont déjà annoncé leur intention de déposer des motions de censure à la Chambre des communes pour déclencher des élections anticipées. Les libéraux auront besoin de l’appui d’au moins un autre parti en Chambre pour survivre aux votes de confiance et rester au pouvoir.
Ce nouveau contexte d’instabilité leur laisse très peu de marge de manœuvre pour lancer une course à la direction en bonne et due forme. C’est notamment l’une des raisons pour lesquelles le caucus libéral ne revendique pas un changement de leadership à l’heure actuelle, explique notre source. « On sait qu’on n’a pas le temps pour ça », confie-t-elle.
Le député libéral du Nouveau-Brunswick Wayne Long est le seul à avoir demandé publiquement un changement de chef, au lendemain de la défaite des libéraux lors de l’élection partielle de Toronto-St. Paul est en juin. La semaine dernière, la députée libérale montréalaise Alexandra Mendès a déclaré qu’il « devrait qu’il y ait un changement de chef », mais que ce n’est pas un « voeu personnel », lors du caucus libéral à Nanaimo, en Colombie -Britannique.
En plus de devoir organiser un cours à la direction dans un contexte imprévisible, le parti disposerait de très peu de temps pour présenter son nouveau chef au public.
Lors de son récent passage à l’émission de radio La journée (est encore jeune)le premier ministre a écarté l’idée de « faire un Joe Biden », en référence à la décision du président américain de céder sa place comme candidat démocrate au milieu de la campagne présidentielle aux États-Unis.
« Il y a un début de commencement d’optimisme [chez les Canadiens]mais on n’est pas encore tout à fait là. Avec les taux d’intérêt qui baissent, l’inflation qui va dans la bonne direction […]on sent que c’est de mieux en mieux. Et je l’espère, parce que c’est assez poche pour moi, en ce moment », a-t-il avoué au micro.
Une autre option perdante
Il y a longtemps que plusieurs noms d’aspirants à la chefferie circulent dans les coulisses du Parlement d’Ottawa : la vice-première ministre, Chrystia Freeland, la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, ou encore l’ancien gouverneur de la Banque du Canada Mark Carney, récemment devenu conseiller spécial du Parti libéral du Canada (PLC) sur la croissance économique.
Aucune de ces candidatures ne semble toutefois susciter plus d’intérêt que le chef libéral actuel.
Un sondage de l’Institut Angus Reid mené cet été révélait qu’un changement à la direction du parti ne comblait pas l’écart d’une vingtaine de points avec les conservateurs.
« Tout le monde est d’accord sur le fait que personne d’autre ne peut empêcher Poilievre de rentrer », estime notre source. « C’est [Justin Trudeau]. Il n’y a personne d’autre. »
L’ancienne gouverneure de la Banque du Canada et la vice-première ministre et ministre des Finances, Chrystia Freeland, étaient les deux candidats potentiels ayant reçu le plus d’appuis parmi les personnes sondées cet été.
Ou, la proximité de Mmoi Freeland avec le premier ministre et le manque d’expérience politique de M. Carney risqueraient de leur nuire dans une cours, notait le professeur de l’Université McGill Daniel Béland dans une entrevue au Devoir cet été.
Les libéraux ne veulent pas non plus gaspiller la candidature d’un nouveau chef advenant une défaite aux prochaines élections — une avenue qui semble probable avec les chiffres actuels du parti.
Rappelons que le PLC avait entamé une importante reconstruction après avoir été relégué, pour la première fois de son histoire, en 3e position aux élections fédérales du 2 mai 2011 sous Michael Ignatieff.
Face aux résultats désastreux, le caucus a élu Bob Rae comme chef intérimaire, en attendant de revoir la Constitution et de repenser l’image du parti. Il aura fallu près de deux ans avant d’élire leur nouveau chef, Justin Trudeau, en mars 2013.