Paris Photo 2024 : Émergence
Chaque année, Paris Photo met en lumière la scène émergente à travers un secteur dédié qui incarne la vitalité du domaine photographique. Pour cette édition, le retour de la foire au Grand Palais lui offre plus d’espace. L’Œil de la Photographie a rencontré Anna Planas, directrice artistique du salon et designer du secteur Emergence.
Quel est le focus principal du secteur Emergence cette année ?
Il s’inscrit dans le thème général du salon, qui est de mettre en valeur la diversité du médium photographique. Cette année, nous avons élargi le secteur de 16 à 23 projets. Nous avons souhaité mettre en valeur la vitalité de la scène artistique photographique à travers des œuvres très différentes, allant du documentaire à l’expérimental. Tous les projets du secteur Emergence sont des expositions personnelles permettant d’approfondir le travail de chaque artiste. La plupart sont de jeunes artistes dont le travail est encore relativement méconnu, ce qui permet vraiment de découvrir l’œuvre en profondeur.
Y a-t-il des thèmes importants qui émergent ?
Sur le plan formel, on peut passer d’un stand avec le travail de collage de Miguel Angel Tornero sur la grotte d’Altamira, en passant par des collages superposés et volumineux, jusqu’à un retour aux techniques photographiques anciennes comme la camera obscura ou à des approches plus expérimentales comme celle d’Ester Vonplon, qui utilise la lumière de un tunnel pour révéler des images sur papier photosensible. Côté thématiques, de nombreux artistes abordent des questions d’identité, de genre, d’écologie ou de mémoire, sujets souvent explorés par la jeune génération. Alice Pallot imagine des scénarios dystopiques liés à l’environnement, tandis que les autoportraits de l’artiste togolaise Hélène Amouzou capturent les dix années qu’elle a passées à attendre l’asile en Belgique. Il y a un flux naturel dans la sélection entre les techniques et les sujets.
Le corps semble être une préoccupation centrale pour de nombreux artistes.
Oui, certains artistes travaillent le corps de manière presque sculpturale, que ce soit dans leur approche photographique ou dans les objets qu’ils créent avec l’image elle-même. Par exemple, les autoportraits très sculpturaux de Camille Vivier ou d’Isabelle Wenzel. Dans un style différent, Lucile Boiron crée des œuvres sculpturales en enfermant ses photographies dans une matière organique, les transformant en objets.
Quel est l’état actuel de la photographie émergente et où va-t-elle ?
J’essaie d’éviter de qualifier les tendances, surtout aujourd’hui, alors que tout est si pluraliste et diversifié. Cela est particulièrement évident chez la jeune génération. À la foire, nous avons des artistes émergents qui explorent les techniques numériques avec l’intelligence artificielle et les outils d’art numérique, tandis que d’autres reviennent à des techniques plus anciennes ou manipulent physiquement des tirages. La photographie documentaire associe librement images pures, documents, archives, sons et vidéos.
Qu’apportent les jeunes galeries à Paris Photo ?
Si venir à Paris Photo leur permet d’acquérir une présence un peu plus institutionnelle, ils apportent une fraîcheur qui séduit une nouvelle génération de collectionneurs. Les prix du secteur Emergence diffèrent quelque peu de ceux du secteur principal, avec des tirages commençant généralement à 1 000/2 000 euros et allant jusqu’à 10 000 euros. C’est notre façon de proposer aux jeunes collectionneurs des œuvres d’artistes qui viennent d’arriver sur le marché.
Quelles autres initiatives Paris Photo mène-t-elle pour la scène émergente ?
Il y a le magnifique projet Carte Blanche, monté il y a quelques années en partenariat avec Picto et Gares & Connexions. Chaque année, un jury se réunit en amont de Paris Photo pour sélectionner les travaux de quatre étudiants en photographie, qui sont ensuite exposés dans une exposition à la Gare de Lyon. Ils sont également invités à présenter leur travail tout au long du salon et à entrer en contact avec des professionnels. C’est un programme de soutien. Cette année, les lauréats sont Alice Poyzer (UWE – University of the West of England, UK), Anna Jocham (Kunstakademie Düsseldorf, Allemagne), Joel Jimenez Jara (Universitat Autònoma de Barcelona, Espagne) et Toma Gerzha (Gerrit Rietveld Academie, Pays-Bas). Outre Carte Blanche, il existe également les Paris Photo-Aperture Photobook Awards, qui récompensent la publication d’un premier livre photo par une bourse de 10 000 $.
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