L’ONU prévient que la Libye pourrait être confrontée à une « deuxième crise dévastatrice » si la maladie se propage à Derna, décimée
Derna, Libye — Les Nations Unies ont averti lundi que les épidémies pourraient provoquer « une deuxième crise dévastatrice » en Libye, une semaine après une énorme crise. Une crue soudaine a détruit la ville côtière de Derna, entraînant des milliers de personnes vers la mort. Les responsables locaux, les agences humanitaires et l’Organisation mondiale de la santé «s’inquiètent du risque d’épidémie, notamment dû à l’eau contaminée et au manque d’assainissement», ont déclaré les Nations Unies.
La crue soudaine, qui aurait tué près de 3 300 personnes et fait des milliers de disparus, est survenue après que ce pays d’Afrique du Nord, marqué par la guerre, a été frappé par la tempête Daniel, de la force de l’ouragan, le 10 septembre.
Des dizaines de milliers d’habitants traumatisés sont sans abri et ont cruellement besoin d’eau potable, de nourriture et de produits de première nécessité, dans un contexte de risque croissant de choléra, de diarrhée, de déshydratation et de malnutrition, ont averti les agences des Nations Unies.
MAHMUD TURKIA/AFP/Getty
Le centre libyen de contrôle des maladies a interdit aux citoyens de la zone sinistrée de boire l’eau du réseau local, les avertissant qu’elle était « polluée ».
« Il n’y a plus de vie. »
Les équipes de secours de plusieurs pays européens et arabes ont poursuivi leurs recherches acharnées pour retrouver des corps dans un désert couvert de boue, rempli de bâtiments détruits, de voitures écrasées et d’arbres déracinés.
Les eaux ont submergé une zone densément peuplée de 2,3 milles carrés à Derna, endommageant 1 500 bâtiments dont 891 ont été totalement rasés, selon un rapport préliminaire publié par le gouvernement de Tripoli sur la base d’images satellite.
Un habitant endeuillé de Derna, Abdul Wahab al-Masouri, a déploré ce qu’est devenue sa ville.
« Nous avons grandi ici, nous avons grandi ici… Mais nous en sommes venus à détester cet endroit, nous en sommes venus à détester ce qu’il est devenu », a-t-il déclaré. « Les bâtiments, le quartier, les villageois, les cheikhs… l’oued est revenu dans l’état qu’il était il y a 1 000 ans. Les gens vivent dans des grottes, la ville semble morte, stérile, il n’y a plus de vie. »
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Des bulldozers ont déblayé les routes de la boue incrustée, notamment dans une mosquée alors qu’une odeur nauséabonde imprégnait l’air et qu’une femme priait pour les enfants et petits-enfants tués par les inondations.
Le bilan des morts reste incertain dans le chaos post-inondation
Au milieu du chaos, le véritable bilan des morts est resté inconnu, avec un nombre incalculable de personnes emportées par la mer. Le soldat Hamza al-Khafifi, 45 ans, a décrit à l’AFP avoir trouvé des corps nus s’échouant sur le littoral, là où « les corps étaient coincés entre des rochers ».
Le ministre de la Santé de l’administration orientale du pays divisé, Othman Abdeljalil, a déclaré que 3 283 personnes avaient été confirmées mortes à Derna. Les responsables libyens et les groupes humanitaires ont toutefois averti que le bilan final pourrait être bien plus lourd, avec plusieurs milliers de personnes toujours portées disparues.
Le Croissant-Rouge libyen a a déclaré que quelque 11 000 personnes avaient été tuéeset 10 000 autres personnes sont toujours portées disparues et présumées mortes.
Des équipes d’intervention d’urgence et de l’aide ont été déployées depuis des pays tels que l’Égypte, la France, la Grèce, l’Iran, la Russie, l’Arabie saoudite, la Tunisie, la Turquie et les Émirats arabes unis.
Cinq membres d’une équipe de secours grecque ont été tués dimanche lorsque leur véhicule est entré en collision avec une voiture transportant une famille libyenne sur la route reliant Benghazi à Derna, ont indiqué des responsables. Trois membres de la famille sont également décédés.
L’Égypte a envoyé le porte-hélicoptères Mistral « Gamal Abdel Nasser » vers la base militaire de Tobrouk, à l’est de la frontière, pour servir d’hôpital de campagne doté de plus de 100 lits, ont rapporté les médias égyptiens.
La France a déclaré avoir installé un hôpital de campagne à Derna.
Lundi, les Nations Unies, qui ont lancé un appel d’urgence de plus de 71 millions de dollars, ont déclaré que neuf de leurs agences apportaient aide et soutien aux survivants et œuvraient pour prévenir la propagation des maladies.
L’Union européenne a annoncé lundi qu’elle débloquait 5,2 millions d’euros (environ 5,5 millions de dollars) de financement humanitaire pour la Libye, portant l’aide totale de l’UE jusqu’à présent à plus de 5,7 millions d’euros.
Répondre à une catastrophe dans une Libye divisée
Face à la tragédie, les administrations libyennes rivales semblent avoir mis de côté leurs divergences pour l’instant après les appels des groupes humanitaires et de plusieurs pays à collaborer à l’effort d’aide.
La Libye est divisée entre deux gouvernements rivaux – un gouvernement soutenu par l’ONU dans la capitale Tripoli et un autre dans l’est du pays, frappé par la catastrophe – depuis le renversement et l’assassinat du dictateur Mouammar Kadhafi lors d’un soulèvement soutenu par l’OTAN en 2011.
Le chef de l’Organisation internationale pour les migrations en Libye, Tauhid Pacha, a déclaré sur X, anciennement Twitter, que l’objectif était désormais d’amener toutes les autorités à « travailler ensemble, en coordination ».
Lundi, le gouvernement basé à Tripoli a annoncé avoir lancé des travaux pour construire un pont temporaire qui enjamberait la rivière qui traverse Derna.
Les inondations massives ont provoqué la rupture de deux barrages fluviaux en amont à Derna, envoyant un raz-de-marée s’écraser sur le centre de la ville de 100 000 habitants et balayer des pâtés de maisons entiers dans la Méditerranée.
Les experts de l’ONU ont imputé le nombre élevé de morts aux facteurs climatiques, la région méditerranéenne ayant été étouffée par un été inhabituellement chaud, et à l’héritage de la guerre en Libye qui a épuisé ses infrastructures, ses systèmes d’alerte précoce et ses réponses d’urgence.