Les Parisiens risquent le plus de mourir lors des vagues de chaleur européennes

Confrontée à la tâche urgente de protéger ses habitants contre les conséquences meurtrières de la chaleur torride, Paris se retrouve en première ligne dans la lutte contre la flambée des températures. Sa population est celle qui risque le plus de mourir des vagues de chaleur que toute autre capitale d’Europe.

Parmi les capitales européennes, Paris est depuis longtemps considérée comme le symbole de l’élégance, de la culture et du romantisme. Mais sous sa façade pittoresque se cache un danger latent qui menace sa population animée.

Paris est la capitale la plus vulnérable d’Europe face aux canicules. Sa population est confrontée au risque le plus élevé de décès liés à la canicule, selon un article récemment publié dans La Lancette journal.

Des chercheurs de divers pays d’Europe ont étudié les risques de mortalité dus à la chaleur et au froid dans 854 villes de 2000 à 2019. Les résultats étaient sans équivoque. Paris est en tête de liste des risques liés à la chaleur dans tous les groupes d’âge, avec une probabilité de décès excessifs dus à la hausse des températures. 1,6 fois plus élevé que les autres villes européennes. Amsterdam et Zagreb suivaient de près.

Avec l’augmentation des températures due au changement climatique, Paris va forcément continuer à ressentir la chaleur. D’ici 2050la ville pourrait atteindre des températures allant jusqu’à 50°C.

Effet d’îlot de chaleur urbain

Identifier la raison exacte de la vulnérabilité de la population parisienne face à la canicule est une tâche complexe. «Il est difficile d’isoler des facteurs spécifiques», explique le Dr Pierre Masselot, auteur de l’étude et chercheur à la London School of Hygiene & Tropical Medicine. « La taille et la densité de la ville contribuent sans aucun doute au risque accru », dit-il, expliquant qu’avec une population de plus de 2 millions d’habitants, les effets des vagues de chaleur sont amplifiés.

La situation socio-économique de la population de la ville est également une variable importante à prendre en compte. « Étant une grande ville, Paris compte également davantage d’habitants défavorisés », explique Masselot. Les quartiers à faible revenu avec un accès limité aux espaces verts, à l’ombre et à la climatisation sont les plus touchés par la chaleur extrême, exacerbant la menace qui pèse sur les communautés vulnérables. « Ajoutez à cela le fait que ces communautés ont souvent des taux plus élevés de problèmes de santé préexistants, et vous comprendrez pourquoi » elles courent un plus grand risque, dit-il.

Ce que l’on appelle « l’effet d’îlot de chaleur urbain » aggrave la situation mortelle de la ville. Ces points chauds surviennent lorsque les villes deviennent nettement plus chaudes que les zones rurales environnantes, principalement en raison de la prolifération de bâtiments et de matériaux qui absorbent et retiennent la chaleur. Les célèbres toits gris de Paris en sont un exemple. Bien que vénérés par des peintres célèbres comme Vincent Van Gogh, les toits gris sont en zinc, un métal qui absorbe la chaleur. « Il en va de même pour le tarmac, qui stocke [and] puis libère de la chaleur, ce qui rend plus difficile le rafraîchissement de la ville la nuit », explique Masselot. « Et la présence de bâtiments bloque le vent. »

Même si l’effet d’îlot de chaleur peut transformer Paris en un véritable chaudron, des disparités de température existent d’un quartier à l’autre. « En passant d’une zone industrielle dense à un parc par exemple, on peut ressentir une baisse importante », explique Masselot.

La pollution joue également un rôle important dans la vulnérabilité de Paris aux canicules. En grande partie générée par les émissions des véhicules, la pollution atmosphérique crée une « sorte d’effet de serre » qui emprisonne la chaleur et intensifie les températures extrêmes. « Les gaz d’échappement sont plus sombres et réduisent donc l’albédo de la ville (la proportion du rayonnement solaire entrant réfléchi par les différentes surfaces de l’environnement urbain), emmagasinant ainsi plus de chaleur », explique le chercheur.

Et puis il y a le fait que les vagues de chaleur ont été historiquement moins fréquentes à Paris que dans d’autres capitales européennes comme Madrid par exemple. « Les villes habituées aux canicules s’y sont adaptées », précise Masselot. « Donc à Madrid, le risque de mortalité est légèrement inférieur à celui de Paris pour la même température. »

Les leçons d’un été meurtrier

L’été 2003 a marqué un chapitre poignant de l’histoire européenne. Une vague de chaleur d’une ampleur sans précédent a balayé le continent, laissant derrière elle des conséquences dévastatrices. Plus que 70 000 personnes est décédé à cause de cela, avec plus de 15 000 de ces décès enregistrés rien qu’en France. Les températures à Paris ont grimpé au-dessus de 40°C pendant des semaines.

Le système de santé était débordé, les hôpitaux ayant du mal à faire face à l’afflux de patients souffrant de coups de chaleur et de déshydratation. Les pouvoirs publics n’étaient absolument pas préparés et ont ensuite été critiqués pour leur réticence à attribuer la chaleur comme première cause de décès. Le directeur général de la santé de l’époque, Lucien Abenhaim, remis sa démission en raison des « polémiques autour de la gestion » des décès « liés à la canicule ». L’état d’urgence a été déclaré, permettant l’envoi de patients dans des hôpitaux militaires et la création de morgues de crise pour gérer l’afflux de corps.

Les personnes les plus touchées étaient les personnes âgées. La moitié de ceux qui sont morts étaient âgés de plus de 85 ans, et 92% des victimes vivaient isolés, beaucoup sans famille, amis ou liens sociaux pour revendiquer leur corps. « Cela a ouvert les yeux de beaucoup de gens, raconte Masselot. « Cela a été un tournant pour tout le continent. » Certains climatologues même appelé la canicule est le « point zéro du réchauffement climatique ».

L’ampleur de la tragédie a provoqué une prise de conscience collective, marquant un moment charnière pour que le gouvernement français prenne des mesures proactives pour protéger ses citoyens. Paris a fait des progrès significatifs pour lutter contre la menace croissante des vagues de chaleur et a mis en œuvre des mesures pour éviter une autre catastrophe.

Depuis, les autorités ont créé un plan canicule. Des informations sur les bonnes pratiques sont dispersées dans toute la ville, avec des affiches détaillant ce qu’il faut faire en cas de chaleur extrême. Une ligne téléphonique a été mise en place par la ville afin que les personnes vulnérables isolées soient appelées régulièrement par les autorités, qui vérifient leur état de santé. « Îles fraîches » des oasis de soulagement face aux températures étouffantes situés dans les musées, les bibliothèques, les lieux de baignade et les espaces verts ont été créés.

UN Plan d’action climatique a été créée en 2018, avec à sa tête la maire de Paris Anne Hidalgo. La réduction de la circulation automobile pendant les vagues de chaleur a été considérée comme une stratégie clé. Le maire a promis que d’ici 2030, la police empêcherait les véhicules les plus polluants de circuler dans la ville pendant les périodes de forte chaleur.

Le plan décrit les moyens d’améliorer l’isolation et la ventilation des bâtiments, en modifiant les directives de construction adaptées aux conséquences du changement climatique, comme la chaleur estivale croissante. Il s’agissait également de révolutionner les toitures parisiennes, en affirmant que d’ici 2050, toutes les toitures devront « produire au moins une » des ressources suivantes : de l’énergie renouvelable avec des panneaux solaires, de la nourriture grâce à l’agriculture urbaine ou de l’eau grâce à la collecte et au stockage de l’eau de pluie.

Pour Masselot, des solutions à long terme comme à court terme sont nécessaires. « À court terme, il serait important que les autorités de santé publique identifient les personnes à risque [of dying from a heatwave] afin qu’ils puissent être avertis à l’avance de l’approche de températures élevées et trouver des moyens de se rafraîchir », dit-il. « À long terme, les villes auront besoin de plus d’espaces verts, de moins d’asphalte, mais aussi de modifier leurs bâtiments pour qu’ils stockent moins de chaleur, diminuent la pollution et veillent à ce qu’ils s’occupent des populations présentant des risques sanitaires plus élevés », explique Masselot.

Il faut reconnaître que la ville a reconnu la vulnérabilité de sa population et travaille avec diligence à la mise en œuvre des mesures nécessaires. « Paris est loin d’être le mouton noir lorsqu’il s’agit de s’adapter aux canicules », estime Masselot.

Cependant, l’urgence d’agir ne peut être surestimée. « Les choses vont empirer et les vagues de chaleur vont se prolonger avec le temps », dit-il. « Les villes doivent s’y préparer le plus tôt possible. »