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Les derniers jours de Justin Trudeau

« Le Parti libéral est fort et uni », a affirmé cette semaine le premier ministre Justin Trudeau, peu de temps après que plus d’une vingtaine de ses députés lui eurent formellement demandé de céder sa place. La demande est lieu à l’occasion d’une réunion tendue qui a permis d’exposer les divisions au sein du caucus libéral. « Fort et uni » ne décrit certainement pas fidèlement l’état de la formation politique de M. Trudeau, lequel est au plus bas dans les sondages, en plus d’être à cour de donateurs et au bord d’une mutinerie.

Le malaise qui règne dans les rangs libéraux est réel et grandiose. Certains ministres ont beau juré fidélité au chef, les députés d’arrière-ban savent pertinemment que M. Trudeau est devenu un boulet pour son propre parti. L’antipathie de l’électorat canadien à son égard semble avoir dépassé un point de non-retour. C’est lui, le problème.

À la sortie de la réunion du caucus mercredi, la députée de Pontiac, Sophie Chatel, a déclaré que M. Trudeau se devait de « réfléchir au cours des prochains jours ». « Il faut prendre le temps, avait-elle fait valoir, parce que c’est l’avenir de notre pays, l’avenir de notre parti, qui est en jeu ». Ou, la « décision » du premier ministre n’a pas tardé. Interrogé le lendemain — lors d’une conférence de presse sur l’annonce d’une réduction substantielle des seuils d’immigration —, M. Trudeau a été catégorique. Il entend demeurer chef au-delà de la date butoir du 28 octobre fixé par les frondeurs et mener les troupes libérales lors de la prochaine campagne.

L’affaire n’est pas close pour autant. La déclaration de Mmoi Chatel me fait penser à celle de l’ancienne présidente de la Chambre des représentants américaine, Nancy Pelosi, qui avait affirmé qu’il revenait « au président [Joe Biden] de décider » s’il devait rester à la tête du Parti démocrate pour les élections du 5 novembre prochain, alors qu’il avait déjà répété à maintes reprises son intention de se représenter. « Nous l’encourageons tous à prendre cette décision, car le temps presse », avait ajouté M.moi Pelosi. Sa réponse avait été interprétée comme un feu vert aux dissidents du parti à continuer leurs efforts pour déloger M. Biden. Ce dernier s’est finalement rendu à l’évidence un peu plus d’un mois plus tard.

Certes, au sein du Parti libéral du Canada (PLC), Mmoi Chatel n’a pas une influence équivalente à celle dont Mmoi Pelosi joue au sein de sa formation politique. Mais la sortie la semaine dernière de l’ancien bras droit de Jean Chrétien, Eddie Goldenberg, aura néanmoins fait réfléchir les esprits libéraux. « Une majorité de Canadiens ont décidé qu’ils veulent un premier ministre qui n’est pas Justin Trudeau, a écrit M. Goldenberg. Mais ils ne choisiraient pas préalablement Pierre Poilievre s’ils avaient une autre possibilité. »

M. Goldenberg a aussi dit croire qu’un Justin Trudeau qui part de son propre gré avant d’être fait aux urnes ferait un défenseur plus efficace de la cause fédéraliste lors de la prochaine campagne référendaire au Québec, campagne que certains locataires de l’ L’intelligentsia du Canada anglais considère comme étant inévitable si les conservateurs conquièrent le pouvoir sans une forte députation québécoise.

M. Trudeau a beau vouloir demeurer l’auteur de son propre destin, la fin de sa carrière politique risque d’être tout sauf glorieuse. Celui qui était un modèle pour les politiciens progressistes partout en Occident en 2015 est maintenant décrit comme un poseur et une coquille vide dans certains des médias étrangers qui autrefois louaient ses voies ensoleillées.

« Le parcours de M. Trudeau, passé de héros de centre droit à boulet toxique, sert de leçon aux politiciens de partout dans le monde, at-on pu lire dans un récent éditorial du magazine britannique L’économiste. Son style de politique identitaire moralisatrice, parfois antilibérale, ne remplace pas un gouvernement efficace. »

Rien n’illustre mieux cette phrase que la volte-face de M. Trudeau cette semaine en matière d’immigration. En améliorant massivement les seuils annuels de nouveaux résidents permanents et en autorisant un nombre record de travailleurs étrangers temporaires et d’étudiants internationaux à entrer au pays, le premier ministre s’est longtemps montré fidèle à sa vision d’un Canada se décrivant comme le « premier État postnational ». Après tout, un pays qui « n’a pas d’identité fondamentale » — c’est ainsi que M. Trudeau avait décrit le Canada dans une entrevue accordée au New York Times en 2015 — n’a pas à s’inquiéter de l’intégration de centaines de milliers de nouveaux venus chaque année. Dans son esprit, l’immigration massive ne pouvait être qu’une bonne chose pour l’économie canadienne… et pour son image politique.

Alors que la plupart des Canadiens étaient très favorables à l’immigration il y a quelques années à peine, une forte majorité croit maintenant qu’il y a trop d’immigrants au pays. Voilà une preuve que le Canada n’est pas aussi postnational qu’on le croit.

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