Le procès d’un antiquaire parisien accusé d’avoir contrefait des meubles français a été retardé en raison de problèmes de santé
Pendant des années, Jean Lupu a été l’une des stars de la Biennale des Antiquaires de Paris, la longue foire d’art française qui a été dissoute en 2021.
L’élégante galerie de l’antiquaire était située faubourg Saint Honoré, face à l’Élysée présidentiel. Mais dans l’atelier du sous-sol, sous son élégante salle d’exposition, des meubles ordinaires auraient été transformés en armoires, bureaux et commodes royaux des XVIIe et XVIIIe siècles, ornés de marqueterie, de bronze doré, de laque et de plaques de porcelaine. C’est ce qu’a affirmé le parquet lors de l’ouverture du procès de Lupu devant le tribunal correctionnel de Paris, le 12 juin, où il est accusé d’escroquerie commerciale et de blanchiment d’argent.
Aujourd’hui âgé de 93 ans et retraité, Lupu ne s’est pas présenté à l’audience du tribunal. Son épouse, Monique, 92 ans non plus. Tous deux sont accusés d’avoir transféré plus de 6 millions d’euros de bénéfices illicites via des comptes bancaires en Suisse vers ceux du Panama et du Qatar, avec l’aide d’un proche qui, selon Jean Lupu, a « volé » davantage. plus de 4 millions d’euros sur six comptes qu’ils avaient ouverts au Qatar.
A l’ouverture du procès, l’avocat de Lupu, Antoine Vey, a déclaré que son client, dont l’état de santé s’était « subitement dégradé », n’avait pas pu être présent et que son épouse Monique était trop « stressée » pour être présente. Le tribunal a alors ordonné un examen médical du couple et a ensuite décidé de reporter l’audience de six jours à février 2024.
Ainsi, les associations professionnelles françaises, la Compagnie Nationale des Experts, qui a expulsé Lupu, et le Syndicat National des Antiquaires (SNA), tous deux parties civiles dans cette affaire aux côtés de dizaines de victimes, doivent attendre encore huit mois pour que le procès ait lieu.
La procédure contre Lupu a débuté il y a huit ans, en 2015, après qu’un autre antiquaire français (anonyme) qui était en conflit financier avec lui a signalé les pratiques de Lupu à la police du trafic d’art.
Aujourd’hui, l’accusation affirme que Lupu « a été un faussaire toute sa vie ». Mais il affirme n’avoir « restauré des meubles anciens que pour les mettre en valeur ou les rendre dans leur état d’origine ». Vey se demande également : « Qu’est-ce qui distingue une restauration d’une fraude ? »
Jean Lupu, aujourd’hui âgé de 93 ans, est accusé d’escroquerie et de blanchiment d’argent
Photo de : DR.
Mais l’acte d’accusation fournit des détails accablants sur les activités de Lupu. Selon le procès, il aurait gagné des millions d’euros en vendant des meubles du XIXe siècle qu’il achèterait pour moins de 50 000 euros, avant de les “complètement transformés” et de les agrémenter de “fausses signatures”. Trente-trois outils d’estampage portant les signatures d’ébénistes célèbres ont été saisis au domicile de Lupu par les autorités françaises ; Les artisans travaillant pour lui ont également fait part de leurs soupçons aux enquêteurs.
Les marchandises de Lupu étaient vendues dans sa galerie ou lors de ventes aux enchères à Paris, Londres, Zurich, Genève et New York. Parmi ses clients les plus éminents figuraient le collectionneur suisse Jean-Claude Gandur et Teodorin Obiang Nguema, le fils du président de Guinée équatoriale, dont les meubles ont été saisis par la justice française lorsqu’il a été reconnu coupable de détournement de fonds en 2020. Une commode, portant un cachet de l’ébéniste français Charles Cressent et acheté par Obiang pour 2,8 M€ à la galerie Lupu, a été vendu pour moins de 200 000 € par l’agence immobilière saisie à Drouot à Paris en janvier dernier, qualifié d’imitation « à la manière de Cressent ». Parallèlement, un bureau acheté 2,7 M€ par Obiang en tant qu’André-Charles Boulle, le plus célèbre ébéniste du règne de Louis XIV, atteint à peine 50 000 €.
Le procès de Lupu est considéré comme une première étape positive après des années de scandales successifs qui ont porté un coup dur au commerce d’antiquités parisien.
D’autres affaires pénales similaires concernent Laurent Kraemer de la prestigieuse Galerie Kraemer, fondée à Paris en 1875, et Bill Pallot, ancien expert de la Galerie Didier Aaron, tous deux arrêtés en 2016, soupçonnés d’avoir vendu de fausses chaises Louis XVI au Palais de Versailles. La famille Kraemer nie tout acte répréhensible, mais Pallot a avoué avoir fabriqué de fausses chaises vendues à la fois à Versailles (pour un total de 2,7 millions d’euros) et à des collectionneurs comme le cheikh Hamad bin Abdullah al Thani, le cousin de l’émir du Qatar. Les deux galeries ont dû se retirer de la Biennale des Antiquaires ; par la suite, l’événement – autrefois le salon d’antiquités le plus prestigieux au monde – a décliné avant de finalement disparaître.