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Le problème québécois de Pierre Poilievre

Au Canada anglais, le chef conservateur Pierre Poilievre jouit d’une telle avance qu’on peut difficilement imaginer qu’il ne remporte pas une victoire écrasante sur les libéraux, surtout si Justin Trudeau décide de s’accrocher au pouvoir jusqu’au examen d’ ‘octobre 2025.



Au Québec, il réfute tellement la majorité des électeurs qu’il se retrouve au troisième rang des intentions de vote, avec 23 % dans le plus récent sondage Léger, en baisse de trois points.

Pour l’ensemble du Canada, les sondages lui accordent plus de 40 % des voix, ce qui le place nettement en territoire de gouvernement majoritaire et même, probablement, avec une large majorité.

Au Québec, son score actuel lui annonce probablement le statu quo : une dizaine de députés, essentiellement dans la région de Québec. Une situation assez comparable à celle des gouvernements de Stephen Harper.

Dans le reste du Canada, cependant, M. Poilievre semble capable de rassembler les électeurs qui traditionnellement ne votaient pas pour le Parti conservateur. Y compris parmi les électeurs plus jeunes et les syndiqués, qui votent assez rarement pour les bleus.

Au Québec, non seulement M. Poilievre ne rassemble pas beaucoup plus de gens que sa clientèle traditionnelle (et assez limitée), mais il ne réussit même pas à devenir une véritable option pour un nombre substantiel d’électeurs.

Le sondage Léger a eu la bonne idée de demander aux électeurs s’ils avaient un deuxième choix et seulement 9 % des répondants québécois seraient prêts à considérer les conservateurs (contre 16 % pour le NPD et 15 % chacun pour le Bloc québécois et les libéraux ).

Autre donnée intéressante, M. Poilievre n’obtiendrait le vote que de 15 % des femmes québécoises, ce qui est moins que le NPD !

Tout cela ne fait que démontrer combien le potentiel de croissance des conservateurs au Québec est limité. Ce n’est pas que les Québécois restent à convaincre. Plutôt que, pour eux, la cause est déjà entendue.

Pourtant, M. Poilievre a des avantages que n’avaient pas la plupart de ses précédentes : il est couramment bilingue et sa femme est une montréalaise trilingue qui a le sens politique et que l’on devrait donc voir souvent au Québec lors de la campagne. électorale.

De même, les questions que soulève M. Poilievre sur l’immigration massive, la pénurie de logements, l’inflation et l’incapacité des plus jeunes générations d’accéder à la propriété touchent tout autant les Québécois que le reste des Canadiens. Pourtant, les électeurs québécois ne veulent pas faire du chef conservateur le porte-parole de leurs doléances.

Il n’est pas très difficile d’en deviner la raison : les Québécois sont allergiques au style Poilievre, celui de l’intimidation, des insultes, et d’un sentiment qu’il n’a jamais rencontré une chicane à laquelle il n ‘a pas voulu se mêler.

Ainsi, non content d’insulter les politiciens fédéraux des autres partis, il s’en est pris avec hargne au maire de Québec et à la mairesse de Montréal, les qualificatifs d’incompétents parce qu’ils ne se reconnaissaient pas dans ses politiques de construction de logements.

On peut penser ce que l’on veut de Bruno Marchand ou de Valérie Plante, mais leurs commettants n’apprécient guère qu’un chef du parti fédéral vienne leur dire comment ils devraient s’occuper de la crise du logement dans leur municipalité, surtout quand il n’a aucun intérêt pour les enjeux locaux.

De même, il n’y a pas beaucoup de Québécois qui retiennent qu’un aspirant au poste de premier ministre décide d’avance que les problèmes de transport à Québec doivent passer par un troisième lien et surtout pas par la construction d’un tramway. pour lequel il « n’investira pas une cenne ».

Parce que si les Québécois, pour la grande majorité, ressentent plutôt un inconfort face au style « à la Trump » qu’a adopté le chef conservateur, ils sont tout aussi, sinon plus, allergiques au fait de voir un politicien d’Ottawa débarquer. dans des débats qui ne relèvent pas de lui et décréter unilatéralement ce qui doit être fait au Québec, que les Québécois le veuillent ou non.

Traditionnellement, ce sont les libéraux qui débarquaient ainsi avec de gros sabots dans les débats provinciaux et ce sont les conservateurs – de Mulroney à Harper – qui avaient la réputation de respecter les champs de compétence.

Avec M. Poilievre, on a donc un politicien qui cherche la chicane et avec une façon de faire que l’on n’aime guère au Québec. Les électeurs d’ici ont du mal à se reconnaître dans un politicien qui dit avoir toutes les solutions et qui n’a nullement l’intention d’en discuter avec les responsables québécois quand il a décidé que ça va « passer par là ».

Non, les Québécois n’aiment sans doute pas sa façon de faire de la politique, d’autant moins qu’elle vient avec force insultes et quolibets.

Bien plus que du « style Poilievre », c’est de son intransigeance que les Québécois vont se méfier.


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Harold Fortier: