Le passé du ministre Randy Boissonnault remet en question
Le ministre fédéral des Langues officielles, Randy Boissonnault, a fait campagne en se présentant comme un entrepreneur à succès et un journaliste. Après que ses relations d’affaires ont été placées sous la loupe du comité d’éthique pour cause d’apparence de conflits d’intérêts, Le Devoir a trouvé des informations qui soulèvent des questions sur son passé de journaliste.
Depuis deux mois, M. Boissonnault est au cœur d’une éthique polémique. Selon des révélations de Global News, il a été, « pendant plus d’un an » après le début de son deuxième mandat, inscrit comme directeur d’une entreprise qui a vendu des millions de dollars d’équipements de protection médicale au gouvernement québécois pendant la pandémie.
M. Boissonnault, qui affirme avoir quitté son poste dès son élection en 2021, accuse un retard administratif dans la mise à jour des informations le concernant. Mais des messages envoyés en septembre 2022 et obtenus par Global News, dans lesquels deux personnes peuvent faire un appel avec un « partenaire » nommé « Randy », remettent en question sa non-implication, et pourrait mener le commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique, Konrad W. von Finckenstein, à ouvrir une enquête.
Un passé de journaliste ?
Les relations d’affaires de M. Boissonnault ne sont pas les seuls de son passé qui sont remis en question. D’après des archives numériques consultées par Le Devoirle ministre s’est présenté en 2015 et en 2019 comme un ancien « journaliste et commentateur politique pour Radio-Canada et Les Affaires ».
Une affirmation moralement discutable, selon la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ), puisque M. Boissonnault n’a jamais signé d’article journalistique dans ces deux médias.
« Son nom n’apparaîtra pas [dans nos systèmes] », indique la porte-parole de Radio-Canada, Guylaine O’Farrell. M. Boissonnault a, par contre, eu le « statut de chroniqueur » à la station d’Edmonton, « dans les années 2000 ».
« J’ignorais qu’il avait travaillé pour nous », répond de son côté la rédactrice en chef des AffairesMarine Thomas. Des archives du journal permettent toutefois de retrouver des textes d’opinion signés par Randy Boissonnault de 2005 à 2007, qu’il qualifie lui-même de « chronique ». [s] ».
À travers sa « collaboration » avec Les Affairescelui qui signait comme « président de Xennex Venture Catalysts et de la Chambre économique de l’Alberta » disait dans l’un de ses textes vouloir « bousculer quelques idées reçues » sur la province.
Contacté par Le DevoirRandy Boissonnault n’a pas répondu à nos demandes d’entrevue. Son passé de « journaliste et de commentateur politique », également mis en avant par le Parti libéral en 2015, n’apparaissait plus dans la présentation du candidat en 2021.
Pas un titre protégé
« Ça me semble évident que ce n’était pas un journaliste, commente en entrevue au Devoir le président de la FPJQ, Éric-Pierre Champagne. N’importe qui peut envoyer des lettres ouvertes à des médias. […] Ça ne fait pas de la personne un journaliste. »
M. Champagne explique que, pour qu’un chroniqueur soit considéré comme un journaliste aux yeux de la FPJQ, le journalisme doit être son activité ainsi que sa source de revenus principaux.
Ce titre professionnel n’est cependant pas « protégé », nuance-t-il. « En ce moment, n’importe qui peut se dire journaliste. Après, c’est un peu une question de moral. »
« Peut-être que si tu te présente devant les électeurs en disant que t’as été journaliste, puis que tu ne l’as pas été, ben, les électeurs peuvent se poser des questions. »
Crise de confiance
Alors, qu’est-ce que M. Boissonnault avait à y gagner ? « Je me pose la question, répond M. Champagne. Les journalistes, on n’est jamais dans les professions les plus appréciées du public, au contraire. »
Et cette façon de « jouer sur les mots » n’aide pas à faire en sorte que le public retrouve sa « confiance » envers les médias. « Les explications à cette crise sont multiples, mais c’est certain que le fait que n’importe qui peut se prétendre journaliste, ça n’aide pas »dit-il.
« Il transmet une fausse information au public. Ça vient un peu contribuer au problème qu’on voit, que pour les gens, ça devient de plus en plus difficile de distinguer qui est journaliste et qui ne l’est pas. »
Avec Boris Proulx
Ce reportage bénéficie du soutien de l’Initiative de journalisme local, financée par le gouvernement du Canada.