La Cour suprême entendra la contestation de la loi qui restreint les membres des organismes de surveillance des espions
La Cour suprême du Canada évaluera la constitutionnalité d’une loi qui empêche les membres d’un organisme de surveillance des espions d’utiliser leur immunité parlementaire pour s’exprimer.
La décision rendue jeudi par le plus haut tribunal d’entendre l’affaire rouvre une question juridique épineuse concernant le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, connu sous le nom de NSICOP.
Le comité, composé de députés et de sénateurs de divers partis, a accès à des informations hautement classifiées.
Habituellement, les députés et les sénateurs peuvent invoquer l’immunité parlementaire contre les poursuites pour des déclarations faites au Parlement.
Les membres du NSICOP risquent cependant jusqu’à 14 ans de prison pour divulgation inappropriée d’informations protégées par la législation qui sous-tend le comité.
Dans une requête déposée auprès du plus haut tribunal, Ryan Alford, professeur de droit à l’Université Lakehead, a déclaré que l’affaire soulevait des questions d’importance publique concernant les protections accordées aux députés et aux sénateurs dans l’exercice de leur liberté d’expression et de débat.
Les avocats fédéraux ont déclaré dans un mémoire défavorable qu’il n’était pas nécessaire que la Cour suprême examine la question.
La plus haute juridiction, suivant sa pratique habituelle, n’a donné aucune raison pour laquelle elle avait accepté d’entendre l’affaire. Aucune date n’a encore été fixée pour une audience.
Alford a déclaré jeudi qu’il attendait avec impatience la procédure, ajoutant qu’il était convaincu que la Cour suprême « proposerait quelque chose de très nuancé et soigneusement étudié ».
Le NSICOP a fait la une des journaux en juin après la publication d’une version publique d’un rapport classifié selon lequel certains parlementaires étaient des participants « semi-conscients ou conscients » aux efforts d’États étrangers pour s’ingérer dans la politique canadienne.
Les résultats ont suscité une vague d’inquiétudes quant au fait que des membres sciemment impliqués dans des ingérences pourraient toujours être actifs en politique. Le rapport a également suscité un débat sur la possible diffusion de détails sensibles supplémentaires à des non-membres du comité.
La chef du Parti vert Elizabeth May et le chef du NPD Jagmeet Singh, qui disposent d’habilitations de sécurité de niveau très secret, ont été autorisés à consulter le rapport complet du comité sur l’ingérence étrangère.
May et Singh ont soigneusement choisi leurs mots lorsqu’ils ont parlé publiquement de la version classifiée du document.
Les membres du NSICOP doivent scrupuleusement garder tous les détails, même lorsqu’ils s’expriment à la Chambre des communes ou au Sénat.
La contestation judiciaire d’Alford a commencé lorsqu’il a fait valoir avec succès devant la Cour supérieure de l’Ontario que le Parlement ne pouvait pas restreindre le privilège parlementaire sans un amendement constitutionnel.
Cependant, la Cour d’appel de l’Ontario a infirmé la décision en avril de cette année.
Un panel de trois membres de la Cour d’appel a déclaré que le Parlement peut limiter le droit à la liberté d’expression et de débat de la manière prévue dans la législation régissant le NSICOP, sans modification constitutionnelle.
Dans sa demande d’audience devant la Cour suprême, Alford a déclaré que depuis l’établissement d’un gouvernement responsable au Royaume-Uni, aucun gouvernement dans aucun système de Westminster n’a envisagé d’envoyer un député en prison pour ce qui a été dit lors d’un débat à l’Assemblée législative.
Dans leur mémoire à la Cour suprême, les avocats fédéraux ont déclaré que la Loi constitutionnelle de 1867 confère au Parlement le pouvoir législatif exprès de définir les privilèges de la Chambre des communes, du Sénat et de leurs membres.
L’article pertinent de la législation régissant le comité « est un exemple clair de l’intention du Parlement d’exclure le recours au privilège parlementaire dans les circonstances identifiées dans la disposition », indique le mémoire fédéral.
« Il appartient au Parlement, et non aux tribunaux, de déterminer les circonstances et les modalités d’exercice d’un privilège, tel que la liberté d’expression et de débat. »