Fuerza Regida parle de « Pero No Te Enamores » et des corridos de Jersey

Quelle différence deux ans peuvent faire.

En mars 2022, Fuerza Regida s’est lancé dans une campagne de marketing de guérilla pour promouvoir un prochain spectacle à la Toyota Arena d’Ontario, en Californie. Le quintet originaire de San Bernardino avait déjà atteint le sommet du classement régional mexicain de Billboard à deux reprises avec « Del Barrio Hasta Aqui » en 2019 et « Adicto » en 2020, deux albums remplis de corridos tumbados, ou trap corridos, qui mélangent des éléments de la musique traditionnelle mexicaine – guitares requinto et section rythmique de cuivres – avec des paroles de style hip-hop en espagnol sur le trapping, le trafic de drogue et le trafic. Malgré le succès, il restait encore beaucoup de billets invendus. Équipé d’un mégaphone, des instruments des membres du groupe, d’une équipe de tournage et du désir de voir chaque siège rempli pour ce qui serait un concert dans sa ville natale, Fuerza Regida s’est présenté à l’improviste dans les lycées voisins d’Arroyo Valley et de San Bernardino et a joué un rapide set pour les étudiants avant de se rendre au centre commercial Ontario Mills, où il a régalé les acheteurs sans méfiance.

Mais ce qui a créé le plus de buzz lors de ce road show itinérant, c’est la dernière prestation impromptue du groupe, qui a eu lieu au milieu de l’autoroute 10 en direction ouest, juste en face de la Toyota Arena. Dans un clip vidéo Publiée sur le compte TikTok de Jesús Ortiz Paz, le leader de Fuerza Regida, on y voit la caravane de véhicules du groupe bloquer les cinq voies pendant qu’elle joue une version banda de « El Muchacho Alegre », une chanson popularisée par le légendaire chanteur de mariachi Pedro Infante. La scène est devenue virale, accumulant des millions de vues et des milliers de commentaires, beaucoup d’entre eux réprimandant Fuerza Regida pour avoir paralysé la circulation tandis que d’autres félicitaient les membres pour leur ingéniosité.

Le jour du concert, tous les billets avaient été vendus.

« À l’époque, nous devions nous arrêter [to a city] « Nous avons commencé à promouvoir nos produits tôt parce que nous ne nous sommes pas vendus comme ça. Dieu merci, nous n’avons plus besoin de faire ça », dit Ortiz Paz, plus connu sous le nom de JOP, entre deux bouchées de mini-carottes et de houmous.

C’est un après-midi de la mi-juillet et je suis assis avec le chanteur de 27 ans et son entourage d’au moins une douzaine de personnes dans un restaurant méditerranéen rapide et décontracté du centre-ville de Culver City, une halte d’une heure dans une journée remplie d’interviews pour promouvoir « Pero No Te Enamores », le huitième album studio de Fuerza Regida (sorti le 25 juillet sur Rancho Humilde Records et Street Mob Records). Avant de parler au Times, JOP a rejoint le DJ Zane Lowe d’Apple Music pour enregistrer un épisode de l’émission de radio « New Music Daily » du streamer. Après le déjeuner, nous sommes allés à Burbank pour être interviewés par DJ Bootleg Kev pour son programme de hip-hop syndiqué. Dans quelques jours, JOP et le reste du groupe — le guitariste requinto Samuel Jaimez, le guitariste Khrystian Ramos, le tubiste José Garcia et le joueur de tololoche Moises Lopez — s’envoleront pour Dallas pour reprendre une tournée nationale des arènes qui a vendu la plupart des dates et qui culminera avec deux spectacles à l’Intuit Dome d’Inglewood à la mi-novembre.

« Aujourd’hui, nous nous occupons uniquement des médias anglophones. Nous n’avons jamais vraiment travaillé sur ce marché auparavant », explique JOP avec une pointe de satisfaction perceptible dans sa voix.

Le fait que la presse musicale anglophone se soit intéressée à la sortie de « Pero No Te Enamores », un album enregistré en espagnol, témoigne de la popularité croissante de la musique mexicaine aux États-Unis et du rôle de Fuerza Regida dans sa croissance. Autrefois considérée comme un créneau, elle a été propulsée dans le grand public à la suite de la pandémie par une multitude d’artistes qui ont construit leur public sur YouTube et TikTok avant de conquérir les services de streaming ; selon la société d’analyse de données sur le divertissement Luminate, La musique latine est le genre qui connaît la croissance la plus rapide aux États-Unis sur des plateformes comme Spotify et Apple Music au cours du premier semestre 2024, en grande partie grâce à la musique mexicaine. Le sous-genre n’est guère une importation culturelle. Beaucoup de ses jeunes stars et de leurs fans toujours plus nombreux sont basés de ce côté de la frontière.

« J’ai l’impression que les gens aux États-Unis s’identifient à la Fuerza Regida », dit JOP. « Tous les sans-sabos, tous les pochos, ils savent que notre culture est une culture différente qui naît ici. [rather] que là-bas.

La domination de la musique mexicaine est particulièrement visible en Californie du Sud, où vit la plus grande population mexicaine-américaine du pays. Au moment où nous écrivons ces lignes, 14 des 25 chansons répertoriées dans le classement quotidien des tendances d’Apple Music pour Los Angeles appartiennent à ce genre, partageant l’espace avec des artistes comme Sabrina Carpenter, la pop « it girl », et le titre épique « Not Like Us » de Kendrick Lamar. Parmi celles-ci, six sont des chansons de Fuerza Regida.

Le groupe a débuté en 2015 en jouant des reprises lors de fêtes et de salles locales à San Bernardino, et les bons moments n’ont pas cessé depuis les concerts sont des événements notoirement arrosés et bruyantsLa spécialité de Fuerza Regida est de produire des chansons qui sonnent fort et qui plaisent, qu’il s’agisse de « Radicamos en South Central », son premier tube, un corrido tumbado de 2018 sur la construction d’un empire de la drogue brique par brique ; « Bebe Dame », une cumbia romantique enregistrée avec le groupe tex-mex Grupo Frontera en 2022 ; ou « Tu Name », une rebuffade méprisante sortie plus tôt cette année sur le fait de passer à autre chose et d’oublier quelqu’un en couchant avec d’autres femmes.

Outre sa capacité à créer des hymnes de fête contagieux, le succès de Fuerza Regida peut être attribué à sa prolificité. Au cours des deux dernières années, le groupe a sorti quatre albums et un EP, qui ont tous fait partie du palmarès Billboard 200 des meilleurs albums tous genres confondus. Lorsqu’il n’enregistre pas, Fuerza Regida est sur la route, jouant près de 100 concerts au cours de la même période.

« J’étais un homme d’affaires avant d’être un artiste », explique JOP, qui supervise la direction créative de Fuerza Regida, à propos de son approche entrepreneuriale de l’industrie musicale, tandis que le logo incrusté de diamants de Street Mob Records pend à son cou. Non content d’être un simple musicien, il a fondé le label de musique indépendant en 2019. Depuis, il a signé Calle 24 et Chino Pacas, deux des artistes les plus prometteurs de la musique mexicaine.

« Mon père travaille dans le bâtiment et il aime ce qu’il fait. Il fait ça depuis 35 ans. Il n’a plus besoin de travailler mais il continue à travailler parce qu’il aime ça. Je suis pareil. Je vais au bureau, je travaille 14 heures par jour, je rentre chez moi et je suis heureux », a-t-il ajouté.

« Pero No Te Enamores » est le projet le plus ambitieux de Fuerza Regida à ce jour, un projet qui met à l’épreuve la souplesse de la musique mexicaine. Tout au long de son histoire, la musique mexicaine a emprunté à d’autres genres et les a incorporés dans son répertoire : l’accordéon, un élément essentiel du conjunto et du norteño, a été introduit dans le pays à la fin du XIXe siècle par les immigrants tchèques et allemands via les polkas ; la cumbia est arrivée de Colombie dans les années 1940. Avec son dernier album, Fuerza Regida ajoute de la musique électronique à son mix.

« Les corridos de Jersey, assurez-vous de mettre ça là-dedans », dit JOP, donnant un nom à la fusion du club de Jersey, du drill, de la house music et des corridos que l’on retrouve dans l’album.

Fuerza Regida a fait ses premiers pas dans l’EDM l’année dernière avec « Harley Quinn », une collaboration au tempo rapide avec DJ Marshmello qui fait la part belle aux cuivres. Le single, issu de « Pa’ Las Baby’s y Belikeada », a atteint la 40e place du Billboard Hot 100. Avec « Pero No Te Enamores », le groupe plonge tête baissée dans le grand bain. Pour réaliser ce disque de 15 titres, Fuerza Regida a fait appel aux producteurs Gordo (qui a travaillé sur l’album de Drake de 2022 « Honestly, Never Mind ») et Synthetic (il a produit le single de Lil Uzi Vert de 2023 « Just Wanna Rock »), et a collaboré avec les poids lourds de l’EDM DJ Afrojack et Major Lazer.

Le son hybride des corridos de Jersey est particulièrement visible dans des morceaux comme « Bella » et « Secreto Victoria », qui mélangent harmonieusement les instruments de guitare avec des rythmes de danse entraînants. Dans certains cas, Fuerza Regida abandonne complètement le son de la musique mexicaine : « Nel », le premier single de l’album, est plus proche du reggaeton.

« L’album a une ambiance estivale, très EDM, mais il ne perd pas le jargon de Fuerza – l’album est tout en Fuerza », explique JOP. Au niveau des paroles, « Pero No Te Enamores », qui se traduit par « mais ne tombe pas amoureux », est le point de vue de quelqu’un qui s’amuse trop à être riche, célèbre et célibataire – un thème récurrent dans l’importante œuvre du groupe.

Si les fans ont été contrariés par le tournant expérimental pris par le disque, ce mécontentement ne s’est pas reflété dans les classements. Dans les 24 heures suivant sa sortie, « Pero No Te Enamores » a grimpé à la première place du classement tous genres confondus d’Apple Music. La semaine suivante, il a débuté à la 25e place du Billboard 200.

Malgré le succès du disque, JOP affirme que le groupe n’en a pas fini avec les corridos.

« J’adore le club de Jersey, alors quand nous avons décidé de faire un album de danse, nous savions que ce serait ça. Je ne veux pas faire différents types de musique tout au long de ma carrière. Je voulais faire cet album et ensuite revenir à mes trucs originaux », a-t-il déclaré, laissant entendre que le prochain album était déjà en préparation.

JOP n’a pas fini de promouvoir la musique de Fuerza Regida en faisant ses propres efforts. Le jour de la sortie de « Pero No Te Enamores », le chanteur et son équipe ont organisé deux soirées d’écoute gratuites dans la région de Los Angeles. La première était un pop-up flash dans l’après-midi dans une villa en bord de mer à Santa Monica, où des centaines de personnes se sont présentées après que le lieu ait été publié sur le compte Instagram du groupe. Plus tard dans la soirée, la fête s’est déplacée à la discothèque Don Quixote de Boyle Heights pour un événement sponsorisé par Spotify qui comprenait des boissons gratuites et des sacs fourre-tout avec le logo de l’album – un cœur barré – sérigraphié sur place. Ces événements, explique JOP, sont une façon de remercier leur base de fans.

« Nous aimons faire quelque chose pour les gens qui ne peuvent pas vraiment se permettre d’acheter un billet pour nos concerts. Nous devons faire nos concerts, c’est comme ça que nous gagnons notre argent et vivons, mais nous voulons toujours faire quelque chose pour les fans », m’a-t-il confié lors d’une brève interview une heure après la fin de la fête de Boyle Heights. Il est tard dans la nuit et nous sommes debout dans l’allée du manoir de Mulholland Drive qu’il a loué pour se reposer après avoir bourdonné dans la ville toute la journée.

« Je suis fatigué mais dans le bon sens du terme. On adore ça. Je ne me vois pas faire autre chose », dit-il avant de me remercier pour mon temps et de rentrer à l’intérieur. Le lendemain, lui et le groupe s’envoleraient pour Atlanta pour continuer la tournée.