En visite officielle en France, où il doit notamment rencontrer le nouveau premier ministre, Michel Barnier, François Legault a réaffirmé sa volonté de s’inspirer de l’exemple français en matière d’accueil des immigrants. Le premier ministre québécois a tout particulièrement en tête les « zones d’attente » qui existent en France et qui permettent de retenir un migrant pendant une durée maximale de 20 jours.
« Nous, ce qu’on a demandé à Ottawa, c’est de s’inspirer entre autres de la France, parce que là, actuellement, sur 160 000 demandeurs d’asile. […] Et plus que le tiers, 40 %, des demandeurs d’asile ne parlent pas français et s’installent à Montréal, alors qu’il ya déjà un déclin du français à Montréal. Est-ce qu’il y a une possibilité de les déménager dans d’autres zones ? »
Le premier ministre estime que ces zones d’attente pourraient être situées « dans d’autres provinces », là où les services destinés aux migrants sont moins engorgés. Elles permettrontient d’accueillir les demandeurs d’asile « avant d’avoir une réponse préliminaire ». Cette demande de créer un « réseau pancanadien d’hébergement temporaire » a été signifiée le 22 juillet par le ministre responsable des Relations canadiennes, Jean-François Roberge, et l’ancienne ministre de l’Immigration, Christine Fréchette, à leurs homologues fédéraux Dominic LeBlanc et Marc Miller.
« Ce qu’on demande au gouvernement fédéral, c’est de mieux répartir les demandeurs d’asile, parce qu’actuellement, il y en a au Québec 45 % du total canadien alors que le Québec représente 22 % de la population canadienne. Est-ce qu’on peut penser avoir des zones d’attente qui sont dans d’autres provinces ? C’est un des aspects du dossier. »
En France, une centaine de ces zones d’attente existent dans les aéroports, comme Roissy et Orly, dans les gares et dans les zones de débarquement, comme Calais et Marseille. Elles peuvent aussi se trouver près des tribunaux ou des hôpitaux où les migrants peuvent avoir à se rendre. La plupart du temps, ce sont des hôtels qui sont réquisitionnés à cette fin.
Des « zones d’attente »
Créées en 1992, ces zones de transit et d’hébergement ne concernent pas la majorité des migrants, mais plus généralement ceux dont la France juge qu’ils pourraient éventuellement être refoulés. Elles permettent d’auditionner ces personnes afin de savoir si leur demande n’est pas « manifestation infondée ». Elles concernent aussi les mineurs non accompagnés.
La procédure, qui a d’ailleurs inspiré le récent Pacte européen sur la migration et l’asile, est strictement encadrée et le séjour ne dépasse pas 20 jours, à moins de recours particuliers. Le placement est d’abord d’une durée de quatre jours, mais il peut être prolongé de huit jours à titre exceptionnel par un juge des libertés et de la détention. Cette prolongation ne peut être renouvelée qu’une seule fois. Selon l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers, en 2020, sur les 15 000 personnes qui se sont vues refuser l’accès au territoire français, 10 000 ont été placées en zone d’attente.
François Legault plaide également pour une réduction des délais de traitement des demandes d’asile. « Emmanuel Macron m’a dit que, quand il est arrivé comme président, ça prenait trois ans et demi pour étudier un dossier. […] Il est maintenant à quatre mois. Mais il se disait insatisfait et voulait réduire ce délai à deux mois. Mais, au Québec, on est à trois ans ! »
Pas de « ni-ni » pour Macron
Le premier ministre Legault est aussi revenu sur le refus d’Emmanuel Macron de faire sienne la position de « non-ingérence, non-indifférence » qui caractérise la politique de la France à l’égard du Québec depuis près d’un demi-siècle . Mise au point par l’ancien ministre Alain Peyrefitte afin de pacifier les relations avec Ottawa après le célèbre « Vive le Québec libre ! » du général de Gaulle, elle avait pourtant été reprise par le premier ministre Gabriel Attal lors de sa récente visite.
François Legault dit ne pas craindre l’indifférence du président français. « Non, je ne pense pas qu’il soit indifférent. » Le premier ministre se targue d’avoir « une excellente relation avec Emmanuel Macron », notamment « sur l’avenir du français », et ce, modulant les rivalités entre Québec et Ottawa. « Ce que dit Emmanuel Macron, c’est qu’il ne veut pas se mêler du dossier, tout simplement. »
Jeudi, François Legault rencontrera le nouveau premier ministre, Michel Barnier, qui ne cache pas son intention de réduire radicalement l’immigration en France. « Je ne me priverai pas de parler d’immigration, de demandeurs d’asile. […] Ça reste un enjeu important aussi pour les Français […] et encore plus au Québec avec l’enjeu de la langue en Amérique du Nord », a dit le premier ministre québécois.
Rattrapé par l’actualité québécoise, François Legault, qui a rencontré mercredi le p.-dg d’Alstom, Henri Poupart-Lafarge, a refusé de dire s’il devait respecter le contrat signé avec Alstom en 2023 en lien avec le tramway de Québec ou faire un nouvel appel d’offres, puisque des modifications ont été proposées au projet par la Caisse de dépôt. « Légalement, ce n’est pas clair si on doit ou non retourner en appel d’offres. Les juristes sont en train de regarder ça. […] On va faire ça correctement, légalement, dans le délai le plus rapide. Mais je vais être très clair : on veut faire la phase 1 du projet de tramway, qui est autour de 5 milliards. On veut la faire et on va la faire le plus rapidement possible », dit-il.
François Legault rencontrera aussi, mercredi, des gens d’affaires, dont le p.-dg du géant du numérique Ubisoft. Mardi, il a terminé sa journée par une rencontre avec des artistes québécois qui font carrière en France, dont le metteur en scène Serge Denoncourt, qui se désigne comme un « superambassadeur du Québec à Paris » et se dit très admiratif de la France, où « l’accès à la culture […] est incroyable ».