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Dorothea Tanning explore de nouveaux mondes grâce au collage

Dorothea Tanning « Otranto » (1988), collage avec papier, tissu, aquarelle, pastel et graphite sur papier vert, 11 x 12 1/2 pouces (27,94 x 31,75 cm) (toutes les photos Natalie Weis/Hyperallergique)

L’épigraphe à Une table des matières« Il est difficile d’être toujours la même personne », lit-on dans le recueil de poèmes de Dorothea Tanning paru en 2004. Cette citation est attribuée à Montaigne, mais elle aurait tout aussi bien pu être écrite par Tanning elle-même. Lorsqu’elle est décédée en 2012 à l’âge de 101 ans, l’artiste a laissé derrière elle un ensemble d’œuvres comprenant des peintures surréalistes et abstraites, des gravures, des dessins, des créations de costumes, des sculptures en tissu, des installations, des collages et des écrits. Ce n’est pas tant qu’elle a défié toute catégorisation facile, mais que pendant huit décennies, elle a refusé d’être toujours la même artiste, recherchant sans cesse de nouvelles façons d’exprimer l’inconscient.

Encyclopédie : Les derniers collages de Dorothea Tanning rassemble 19 œuvres de collage, dont la plupart datent de la fin des années 1980. Tanning avait déjà publié le premier de ses deux mémoires et se tournait de plus en plus vers des activités littéraires. Les collages, avec leurs morceaux de tissu, de mouchoir, de papier, d’aquarelle et d’encre, peuvent donner l’impression que l’artiste a ramassé des détritus d’œuvres passées sur le sol de son atelier et a décidé qu’elle pourrait aussi bien en faire de l’art. En grande partie abstraites, avec quelques éléments figuratifs (les mains de l’artiste, les pattes de chat, un robinet, un vélo), les pièces servent à enflammer l’imagination des spectateurs et les encouragent à façonner leurs propres interprétations.

Dorothea Tanning, « Table of Contents » (1988), collage et aquarelle sur papier, 17 1/4 x 18 1/4 pouces (~43,82 x 46,36 cm)

Il y a une certaine qualité sensuelle et surnaturelle dans son travail. Dans « Table of Contents » (toutes les œuvres datent de 1988, sauf indication contraire), un échantillon ovale de tissu imprimé de pattes et de jambes de chat est collé sur le tissu blanc froissé et translucide d’une nappe et flanqué de silhouettes en papier noir d’une fourchette et d’un couteau. Une flèche grise pointe vers le bas, en haut du cadre, vers l’étrange couvert, sur un fond d’abstractions en papier déchiré rose pâle, verge d’or et bleu-gris, certaines ressemblant à un tentacule ou à une branche, voire à un membre humain. Pourquoi ce chat est-il servi pour le dîner, et quelle créature est prête à en manger ? Peut-être est-ce le sujet de cauchemars, ou peut-être le repas est-il le symbole d’une lutte intérieure – Tanning ne nous donne que le jeu de mots du titre.

Cet esprit ludique imprègne les univers imaginaires des collages. Utilisant une palette sobre mais élégante de bleu, gris, noir, bordeaux, pêche et pistache (parfois avec des touches de jaune et d’orange), Tanning a construit en douceur des couches de matière pour créer un mouvement agréable et un lyrisme visuel, même si les formes amorphes refusent de s’installer dans un récit. Dans « Garden with Gardeners », la photocopie en noir et blanc d’une main posée sur ce qui semble être des élastiques est recouverte d’une rafale de petits papiers déchirés. Les jardiniers essaient-ils de dissimuler quelque chose avec leurs plantations ?

L’œuvre épatante en cinq panneaux, « Encyclopédie » (1990-1995), initie une séquence onirique avec la silhouette noire d’un robinet d’eau dans le coin supérieur gauche du premier panneau. Du papier de soie blanc coule et éclabousse du robinet, puis semble se transformer en lueurs de feu alors qu’il danse sur un vélo noir culbutant et diverses figures humaines et animales dans les panneaux suivants. Le contour épuré d’une chaise renversée ponctue le coin supérieur droit du dernier panneau. Ce détail constitue la couverture de mon édition de poche de Table des matièresqui comprend le poème de Tanning « Collage (La Femme 100 Têtes). » Elle y écrit : « Scénario conjuré : un schéma de ciseaux explose./Comment faire flotter votre chaise préférée/parmi les vagues, puis vous y asseoir ?/…/Une porte quelque part s’ouvre. » La pratique de Tanning montre qu’il y a toujours une autre porte à ouvrir, un nouveau monde à explorer, et que, lorsque la vie semble parfois semée d’obstacles et d’impasses, l’art nous offre une autre existence possible.

Dorothea Tanning, « Encyclopédie » (1990-1995), collage sur papier monté sur Masonite, 5 panneaux, numéroté IV, dimensions hors tout variables
Dorothea Tanning, « Jardin avec jardiniers » (1988), collage avec photocopie, graphite, pastel et aquarelle sur papier, 20 x 26 pouces (50,8 x 66,04 cm)
Dorothea Tanning, « L’Éducation sentimentale » (1988), collage avec encre, pastel, aquarelle et photocopie sur papier Canson, 16 1/2 x 13 1/2 pouces (41,91 x 34,29 cm)
Dorothea Tanning, « Who Else » (1988), collage avec craie blanche, photographie et photocopie sur papier, 22 x 17 1/2 pouces (55,88 x 44,45 cm)

Encyclopédie : Les derniers collages de Dorothea Tanning se poursuit à la galerie Kasmin (297 Tenth Avenue, Chelsea, Manhattan) jusqu’au 24 octobre. L’exposition a été organisée par la galerie.

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