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Daniel Spoerri, l’artiste qui a fait de la consommation une forme d’art, décède à 94 ans

Daniel Spoerri, un artiste dont le travail expérimental consistait à proposer des repas bizarres, des aliments peu appétissants et des situations culinaires généralement déroutantes, est décédé mercredi à Vienne à l’âge de 94 ans. Son décès a été annoncé par l’Ausstellungshaus Spoerri, un musée qui lui est consacré à Hadersdorf am Kamp, en Autriche.

Spoerri a gagné en popularité dans les années 1960 avec des œuvres qui impliquaient l’acte de manger, souvent comme moyen de combler le fossé entre l’art et la vie. Son art farfelu et risqué avait souvent pour but de bouleverser les normes bourgeoises à une époque de bouleversements sociaux en Europe.

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Une femme blanche vêtue d’un pull bleu éclaboussé de peinture plaçant une main sur une toile abstraite, avec une autre toile derrière elle.

Aux côtés d’artistes tels qu’Arman et Jean Tinguely, il faisait partie des artistes affiliés au Nouveau Réalisme, une avant-garde française qui se consacrait à l’utilisation d’objets prêts à l’emploi dans l’art. Ce faisant, affirmaient-ils, c’était une façon de montrer que l’art était en fait directement lié au monde dans son ensemble.

Au début des années 60, Spoerri a commencé à travailler à partir des restes de repas. Plutôt que de laver la vaisselle et de jeter les détritus qui l’entouraient, il a collé sur des planches les assiettes souillées, les cigarettes à moitié fumées et les canettes vides. Spoerri, autoproclamé « pasteur de situations trouvées », qualifiait ces œuvres de « tableaux pièges » ou de « peintures-pièges ». Parfois, ces œuvres étaient même accrochées aux murs, comme si elles ressemblaient à n’importe quelle autre peinture abstraite de l’époque.

Parfois, Spoerri fonctionnait même comme un filou, piégeant intentionnellement ses téléspectateurs dans des situations qui pourraient les dérouter. En 1963, lorsque le marchand Rudolf Zwirner propose à Spoerri une exposition dans sa galerie de Cologne, l’artiste répond à l’invitation en organisant un événement d’une seule nuit. Il y avait en effet des œuvres accrochées aux murs, mais elles ont disparu en quelques minutes, exactement le temps qu’il a fallu à Spoerri pour faire bouillir un œuf dur sur place lors de l’ouverture. Zwirner a rappelé un jour que six tableaux se sont vendus en seulement quatre minutes, après quoi les invités ont eu droit à un dîner composé d’insectes, de vers et d’autres animaux, ainsi que d’omelettes qu’il avait cuisinées avec eux.

Une femme photographiant un tableau composé d'assiettes, de fourchettes et plus encore accroché à un tableau accroché au mur.

Un « tableaux piège » de Daniel Spoerri.

Photo Oliver Berg/alliance photo via Getty Images

Daniel Feinstein est né en 1930 à Galati, en Roumanie. En 1941, son père fut déporté dans un camp de concentration nazi puis assassiné là-bas, ce qui obligea sa mère, de naissance suisse, à déménager Feinstein et ses six frères et sœurs à Zurich, où il prit le nom de famille de son oncle, Spoerri.

Au départ, il envisageait de devenir danseur, étudiant à l’école de danse du Théâtre de Zurich et rejoignant ensuite le Théâtre municipal de Berne. Mais grâce à ce théâtre, il a fait la connaissance d’artistes tels que Meret Oppenheim, une importante surréaliste, et cela l’a mis sur une voie différente. En 1960, il rencontre également Marcel Duchamp et Man Ray.

Après avoir réalisé ses « tableaux pièges » du début des années 60, Spoerri a commencé à créer ce qu’il a appelé Eat Art. Il a ouvert un restaurant à Düsseldorf, en Allemagne, où il a concocté des projets fréquemment accompagnés de commentaires en classe. En se concentrant intentionnellement sur la « cuisine des pauvres du monde », Eat Art de Spoerri s’est appuyé sur une courte liste d’ingrédients bon marché. Il a ensuite ouvert la galerie Eat Art, où des collègues tels que Joseph Beuys, Robert Filiou et Dieter Roth ont exposé leurs propres œuvres d’art axées sur l’alimentation.

Spoerri continue de gagner une renommée internationale au cours des décennies qui ont suivi, produisant des œuvres d’art qui impliquaient de s’approprier les peintures d’autrui, puis d’y ajouter divers objets. Il a fait l’objet de diverses enquêtes, dont une rétrospective au Musée Tinguely de Bâle, en Suisse, en 2001.

Il ne semblait pas toujours à l’aise avec l’attention positive qu’il recevait. Il a dit un jour à Artrust : « J’ai dû attendre des décennies avant que quelqu’un dise ‘Oh, c’est magnifique !’ Quand j’ai commencé, tout le monde disait : « Horrible ! Qui mettrait une telle chose sur le mur ?’

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