Pour ses 18 ansème Avec sa production théâtrale annuelle en plein air, la Getty Villa a dépassé le canon des pièces grecques et romaines antiques. Au centre de la scène se trouve un personnage oublié du monde classique, Memnon, le roi mythologique des Éthiopiens, qui est venu en aide aux Troyens à un moment de la guerre de Troie où les Grecs étaient sur le point de détruire Troie.
Une nouvelle pièce de Will Power (« Va chercher de l’argile, fais l’homme »), « Memnon », raconte l’histoire du vénérable guerrier africain, qui était un sujet populaire chez les anciens mais dont l’histoire a été égarée au fil des millénaires. Memnon est brièvement mentionné dans « L’Odyssée » d’Homère et son image figure en bonne place sur les peintures de vases. Sa mort a été racontée dans « L’Éthiopie », l’épopée perdue qui offrait un récit complet de la guerre de Troie en vers. Mais c’est la version d’Homère qui a survécu à toutes les autres sources de récits sur ce conflit épique.
Cette première mondiale de « Memnon », une collaboration entre la Getty Villa et le Classical Theatre of Harlem, représente un acte de récupération culturelle. Le metteur en scène Carl Cofield a conçu l’idée de la pièce avec Power, et l’œuvre qui en résulte nous rappelle que le monde classique était plus diversifié sur le plan culturel et racial qu’on ne le pense souvent.
Le ton de « Memnon », écrit en hexamètre iambique, est direct, épuré et empreint d’une inévitabilité tragique. Sur le plan thématique, Power laisse parfois entendre que la pièce est le produit d’unSt L’imagination du XXe siècle. La politique identitaire a parfois un ton trop explicite. Mais la voix fière, royale et calmement autoritaire de Memnon, interprété par Eric Berryman, envoûte le public.
En termes d’intrigue, « Memnon » ne fait pas preuve de l’ingéniosité structurelle d’une pièce de Sophocle, qui avait compris que peu importe dans quelle mesure le destin contrôle l’issue d’une histoire, c’est dans les moments où un protagoniste exerce son libre arbitre que le public est le plus profondément impliqué. Œdipe n’a peut-être pas pu échapper à l’oracle qui lui a révélé qu’il tuerait son père et épouserait sa mère. Mais la façon dont il réagit à l’horreur de ses actes involontaires est ce qui donne à son récit une signification éternelle.
Sur le plan dramatique, « Memnon » donne l’impression qu’un passage de « L’Iliade » est illustré de manière théâtrale. Le contexte de l’histoire éclipse l’investissement personnel de Memnon. C’est comme s’il avait eu le malheur de tomber sur la tragédie bien trop bienvenue de quelqu’un d’autre.
La pièce commence là où s’arrête « L’Iliade », après la mort d’Hector. Le roi Priam (Jesse J. Perez) pleure la perte de son fils héroïque. Polydamas (Daniel José Molina), conseiller troyen de confiance, récapitule les désastres qui ont frappé Troie avant d’exhorter Priam à faire appel à son neveu, Memnon, le célèbre combattant, pour obtenir une assistance militaire. Priam est opposé à ce plan, mais Helen (une Andrea Patterson pleine d’assurance), que beaucoup accusent d’être responsable de la guerre désastreuse qui dure depuis dix ans, explique clairement que le choix se porte soit sur Memnon, soit sur l’humiliation et la mort.
Memnon fait une entrée en rock star, se pavanant sur scène comme la tête d’affiche tant attendue d’un concert de stars. Mais à son arrivée, il semble être le personnage d’une histoire bien plus vaste que la sienne. C’est compréhensible, mais on le tient à distance. Les contours de son destin sont clairs et ses qualités morales sont exemplaires. Mais les rouages de son esprit restent opaques.
Memnon doit prendre une décision impossible : venir à la défense des Troyens, dans ce qui semble être un effort futile, ou trahir un allié et un membre de sa famille dans le besoin. Sa loyauté est d’une noblesse rayonnante, d’autant plus qu’il est traité comme un étranger, trop puissant pour être écarté mais trop exotique pour lui faire entièrement confiance. Mais les délibérations de Memnon semblent abstraites. Nous n’en savons pas assez sur lui pour nous tourmenter avec lui. L’histoire de fond concernant la réticence de Priam à lui demander de l’aide ne fait qu’ajouter à la confusion.
La question fondamentale de l’honneur et de la préservation de soi est compliquée par les plans impénétrables des dieux. Hélène et Nestor (Perez, dans une interprétation plus animée que son simple Priam) font appel à Zeus depuis des camps opposés de la bataille lorsque Memnon entreprend de combattre la machine de guerre grecque à un seul homme connue sous le nom d’Achille (Jesse Corbin). La question se résume finalement à savoir si Memnon résistera ou succombera au destin, mais ce dilemme nécessite plus de nuances de caractère pour nous électriser.
Mais l’histoire a une certaine fraîcheur et la performance majestueuse de Berryman imprègne son personnage incomplet du charisme d’un Othello trop sage pour une vengeance irrationnelle. Le costaud Achille de Corbin a peut-être le destin momentanément de son côté, mais c’est le Memnon de Berryman qui laisse l’impression héroïque la plus durable.
La mise en scène de Cofield, directeur artistique associé du Classical Theatre of Harlem, transforme Troie en zone de combat urbain moderne. Des échafaudages sur fond de grillages en fer forgé rapprochent cette bataille de chez nous (grâce à la scénographie de Riw Rakkulchon et aux projections de Yee Eun Nam). Les costumes de Celeste Jennings font une impression résolument contemporaine tout en conservant une férocité archaïque.
L’espace du théâtre en plein air de la Villa Getty est peut-être sous-exploité. La chorégraphie musclée de Tiffany Rea-Fisher (interprétée par les choristes Holly Hwang Belshaw, Kat Files et Jenna Kulacz) semble un peu trop restreinte pour un espace de jeu aussi vaste.
Mais l’accent est peut-être mis là où il devrait être : sur les mots poétiques de Power. « Memnon » mérite des éloges non seulement pour avoir ressuscité une figure mythologique trop peu connue, mais aussi pour s’être aussi bien senti dans le monde antique que dans le nôtre.
« Memnon »
Où: Théâtre en plein air de la Villa Getty, 17985 Pacific Coast Highway, Pacific Palisades
Quand: 20h00 du jeudi au samedi. Fin le 28 septembre
Billets: 45$-55$
Contact: (310) 440-7300 ou getty.edu
Durée : 1 heure, 20 minutes