« Kill Move Paradise », une pièce de James Ijames de 2017, donne l’impression d’une œuvre inventée en réponse à une crise sociale urgente. Contrairement à « Fat Ham », sa version afro-américaine de « Hamlet » récompensée par le prix Pulitzer, cette pièce antérieure a une spontanéité lâche qui la rend plus dépendante des contributions imaginatives de ses interprètes.
Cette production, qui a ouvert ses portes samedi au Théâtre Odyssey sous la direction de Gregg T. Daniel, ne met pas en valeur le scénario de manière très convaincante. On ne peut nier la passion et l’engagement collectifs impliqués, mais l’art semble secondaire par rapport à l’activisme.
Le décor de « Twilight Zone » est une salle d’attente dans l’au-delà. Un par un, quatre hommes noirs se retrouvent inexplicablement transportés dans un monde qui ressemble à un nouveau jeu vidéo à moitié terminé et qui n’a pas encore résolu tous les problèmes.
Isa (Ulato Sam) arrive le premier et semble vouloir revenir. Il est suivi par Grif (Jonathan P. Sims), un ancien major de promotion du lycée qui se souviendra avec le temps d’une innocente erreur de circulation aux conséquences horriblement disproportionnées. Daz (Ahkei Togun), extérieurement agressif mais intérieurement doux, ne semble pas respirer à son arrivée. Une fois ressuscité, il livre un combat intense pour sa liberté personnelle. Le dernier à se matérialiser est le plus jeune, Tiny (Cedric Joe), tenant un pistolet-jouet et se souvenant seulement d’avoir vu un ami abattu dans le parc, sans encore se rendre compte qu’il était lui-même la victime.
La géographie de l’espace est un casse-tête. Les hommes ne comprennent rien à leur nouvelle situation et doivent apprendre les règles par essais et erreurs. C’est une expérience frustrante pour eux et, dans une certaine mesure, pour le public, qui aimerait que l’œuvre s’installe dans un sillon définissable.
La scénographe Stephanie Kerley Schwartz a imaginé ce qui ressemble à première vue à un skatepark intérieur. Un mur improvisé se courbe à l’arrière du décor comme une vague géante. Les personnages tentent de s’en sortir en se jetant dans les airs et en s’agitant violemment en glissant vers le bas. Il n’y a pas de sortie possible de ce purgatoire de l’écriture dramatique.
Alors que les personnages tâtonnent pour trouver un passage secret, ils reçoivent une décharge électrique. Le public est visible pour les personnages. Qui sont ces spectateurs ? Une « tranche représentative » de l’Amérique, explique Isa à Grif. Au fil du temps, ils comprennent qu’ils doivent être témoins de ce qui leur est arrivé avant de pouvoir passer à autre chose.
Les questions sur ces limbes abondent, mais la pièce semble souvent trouver des réponses au vol. Les métaphores scéniques fonctionnent mieux lorsqu’elles sont traitées comme des faits. Winnie, enterrée dans un tertre, ne justifie pas son état végétal dans « Happy Days » de Samuel Beckett. Elle habite sa situation comme une autre réalité non sollicitée, pas plus ridicule que la nôtre. Les personnages de « Kill Move Paradise » ont des raisons de rejeter leur déplacement involontaire, mais ils semblent tout aussi indignés par leurs conditions théâtrales.
Isa lit un livre qui donne des instructions sur la façon dont les hommes devraient procéder, mais c’est un guide cryptique. La crise de justice sociale qui les a réunis, cependant, ne nécessite pas trop de devinettes.
Une vieille imprimante (Dieu se servirait-il encore de ce qui ressemble à une matrice de points ?) crache les noms de Noirs qui ont un point commun : ils sont victimes d’une combinaison toxique de violence mortelle et d’injustice raciale. Certains de ces noms ont fait la une des journaux nationaux : Amadou Diallo, Michael Brown, Tamir Rice, Sandra Bland, entre autres. George Floyd, tué par des policiers en 2020, est venu s’ajouter à ce qui, tragiquement, est un club qui semble ne jamais cesser de s’agrandir.
Cette récitation de noms crée un puissant rituel. Le chorégraphe Toran Xavier Moore renforce l’effet avec des mouvements de danse ritualisés. Le temps consacré à ce segment est en soi une déclaration de condamnation. Combien de personnes doivent mourir avant que la réforme soit mise en œuvre ?
La reconstitution du meurtre de Tiny permet à « Kill Move Paradise » de s’éloigner des mots pour se tourner vers le théâtre physique. Le jeu d’un enfant qui consiste à tirer sur des extraterrestres avec un pistolet-jouet est revécu tel qu’il se déroulait dans l’imagination de Tiny. La façon dont cette activité récréative est devenue une scène de véritable effusion de sang lie les quatre personnages non seulement en tant que « martyrs » ou « sacrifices », mais aussi en tant que « sauveurs » potentiels. Une fraternité rédemptrice se forme.
Les acteurs apportent une individualité particulière, mais le travail d’équipe ne se construit pas. Cette pièce de 80 minutes est un échec. Une plus grande importance accordée à la musique aurait pu donner plus d’élan à l’œuvre. (La contribution du compositeur et concepteur sonore David Gonzalez semble indûment inhibée.) Et c’est une occasion manquée que le public ne joue pas un rôle plus actif dans une pièce avec une intention commune claire. « Kill Move Paradise » se déplace de manière instable comme un poème scénique, bien qu’il y ait clairement plus en jeu que la finesse artistique.
« Tuer, bouger, paradis »
Où: Théâtre Odyssey, 2055 S. Sepulveda Blvd., LA
Quand: 20 h les vendredis et samedis, 14 h les dimanches. (Vérifiez les ajouts et les exceptions.) Se termine le 3 novembre
Billets: 20$-40$
Contact: (310) 477-2055, poste 2 ou OdysseyTheatre.comDurée : 1 heure, 20 minutes