Critique « à temps plein »: pas de repos pour la fille qui travaille

« Full Time », le deuxième long métrage d’Éric Gravel, débute par un moment de repos utérin avant d’enfoncer la pédale au sol et de nous lancer dans la semaine de travail chaotique de Julie (Laure Calamy), mère célibataire et première femme de chambre d’un 5 hôtel 3 étoiles à Paris.

La routine de Julie est exigeante mais banale : elle dépose les enfants chez la nounou, se précipite pour prendre le train, endure un long trajet au coude à coude et s’installe dans son quart de travail en s’occupant des caprices des hyper-riches. Puis c’est retour vers la banlieue et les petits agités, tandis que les tranches de temps qu’elle réussit à se ménager sont consommées en postulant pour un nouveau travail. Puis répétez.

Le film est un portrait du travail moderne qui bouge avec la tension haletante d’un joint des frères Safdie. Mais au lieu de gangsters et de cocaïne, il trouve un élan effréné dans les obligations quotidiennes d’une femme ordinaire, qui menacent de la briser lorsqu’une grève nationale déséquilibre son acte ténu.

Les retards et les annulations imprévisibles des transports en commun causent des ennuis à l’abeille ouvrière avec son patron arrogant et sa nounou septuagénaire, tandis que les trajets en taxi qui coûtent le triple du tarif d’un trajet régulier vident son compte bancaire. Son ex-mari n’a pas payé sa pension alimentaire et ne répond pas à son téléphone, et c’est l’anniversaire de leur aîné ce week-end. L’improvisation est nécessaire, de l’auto-stop au coup de coude du portier pour obtenir des faveurs, mais Julie – donnée par la verve anxieuse du toujours magnétique Calamy – n’est pas une arnaqueuse éhontée autant qu’elle agit timidement par nécessité.

Julie n’est pas en mesure de se débarrasser de son uniforme et de descendre dans la rue en signe de protestation, mais le mouvement (et les désagréments qu’il cause) n’est pas le problème, c’est un symptôme. Travaillée jusqu’à la moelle à cause de son incapacité à trouver un emploi décent et une garde d’enfants, parce que son superviseur ne la valorise que dans la mesure où elle obéit comme un robot, Julie est une véritable Everywoman, sous l’emprise d’un système qui exige de la productivité à tout bout de champ. Une telle vie rend fragile, mais il n’y a pas de rupture.

À plein temps
Non classé. En français, avec sous-titres. Durée : 1h28. Dans les théâtres.