Les conservateurs partout dans le monde mènent une bataille acharnée contre les politiques climatiques. Au Royaume-Uni, en Inde, au Canada, et récemment au Brésil, aux États-Unis, en Australie, des partis conservateurs font campagne contre le climat.
Ça n’a pas toujours été comme ça. Il y a 35 ans aux États-Unis, on n’observait pas une grande différence entre démocrates et républicains sur le vote écologique. Depuis, l’enjeu est devenu polarisant et il est presque impossible aujourd’hui de voir un électeur républicain en faveur d’une mesure climatique. Au Canada, une analyse des données de la Chambre des communes (par le média DeSmog) montre que durant ses 20 ans au Parlement, Pierre Poilievre a voté contre les mesures climatiques ou en faveur de l’affaiblissement de celles-ci… presque 400 fois . Il était à l’avant-garde de cette polarisation.
Aujourd’hui, les politiques de ces partis de droite sont désastreuses sur le plan écologique et économique. Leur seule chance d’être élus est donc d’en faire un enjeu partisan et identitaire, car faire campagne sur la pyromanie planétaire alors qu’on voit notre monde en feu, ce n’est pas très gagnant.
Selon ces nouveaux conservateurs comme Pierre Poilievre, Donald Trump ou Jair Bolsonaro, ainsi que Scott Moe ou Danielle Smith, respectivement en Saskatchewan et en Alberta, l’action climatique est une atteinte à la liberté et à l’économie. C’est faux, mais c’est la seule carte qu’ils peuvent jouer, sachant que leurs politiques visent littéralement à jeter de l’huile sur le feu d’une planète qui brûle.
Voici pourquoi l’action climatique n’est ni une atteinte à la liberté, ni à l’économie.
Les coûts de l’inaction climatique
Les conservateurs disent que les écologistes et libéraux font une « guerre à l’automobile ». Ils cherchent à consolider leur vision de la liberté autour de l’identité automobiliste. Donc, ayant vu que leur plateforme va directement nous conduire à la catastrophe climatique — et ça, ce n’est pas très vendeur lors des élections — les conservateurs doivent cadrer l’enjeu différemment pour gagner des votes. C’est leur dernier recours : diviser la population de manière agressive pour nous empêcher de penser l’avenir ensemble. Au lieu d’aider à faire passer le message que nous devons bâtir ensemble une société pour nous aider à nous déplacer efficacement (avec un heureux mélange de transport en commun, de transport actif et de voitures électriques), toute politique climatique est dépeinte comme une « guerre à l’automobile » et une atteinte à leur conception étroite de la liberté.
Or, porter des masques lorsque le niveau de pollution est trop élevé, perdre sa maison en raison d’un feu de forêt, d’une inondation ou de l’érosion côtière, ne pas pouvoir sortir de chez soi ou faire de l’exercice à cause d’une journée, ou vivre dans un quartier qui est un îlot de chaleur, ne sont pas des symboles de liberté. Notre liberté sera gravement contrainte dans un contexte de crise climatique. Sans compter l’interruption des chaînes d’approvisionnement qui vont rendre des denrées plus rares.
Et ça, c’est pour nous, au Canada. Imaginez ce qu’il en sera pour les réfugiés climatiques qui vont devoir quitter leur ville, leur région, leur pays. On manque déjà d’eau régulièrement à Barcelone, en Californie… Avec leur politique et leur rhétorique, les conservateurs ne vont pas hésiter à voir la planète brûler pour gagner une élection.
Sur le plan économique, ce n’est pas mieux. Les conservateurs disent que la taxe carbone contribue à l’inflation. Ont-ils compris que la principale cause de l’inflation est la montée du prix du pétrole ? Entre les études de la Banque mondiale et du FMI, entre autres, on peut attribuer de 30 % à 40 % de l’inflation directement au prix du pétrole. La taxe carbone est responsable d’au plus 5 % de l’inflation actuellement (0,15 point d’inflation), selon la Banque du Canada. C’est bien peu sensible à l’impact du prix du pétrole en général, ou de manière plus ponctuelle à la montée des prix du pétrole à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, aux sécheresses provoquées par la crise climatique, ou encore aux interruptions des chaînes d’approvisionnement provoquées par la pandémie (lesquelles sont favorisées par les maladies zoonotiques comme la COVID-19 qui seront plus fréquentes avec la fragilisation des écosystèmes), ou encore aux pétrolières et aux chaînes de supermarché qui ont profité de ce contexte pour monter les prix encore plus.
Ce sont ces facteurs qui expliquent réellement l’inflation de 9 % que nous avions en 2022 ou de 3 % aujourd’hui. Pour ce qui est de réduire notre dépendance au pétrole et les effets de la crise climatique, notons que la taxe carbone sert justement à ça. Si les conservateurs veulent contrer l’inflation, ils doivent cesser d’attaquer un des principaux outils qui permettront de sortir du pétrole et, ce faisant, d’augmenter notre résilience économique.
Mais de manière plus large, les coûts de l’inaction climatique seront bien supérieurs au coût de l’action. Les changements climatiques vont détruire les économies partout dans le monde. La récession provoquée par la pandémie nous semblera assez petite comparée à celle provoquée par les bouleversements climatiques (la Suisse estime à 13,9 % la baisse du PIB mondial en 2050 dans un contexte d’une hausse de température de 2,6 degrés Celsius). Les changements climatiques nous coûtent déjà très cher avec les feux de forêt, les canicules, les inondations et la montée des eaux. Et ça ne va que s’aggraver si on continue à ne pas agir, comme le proposent les conservateurs.
Les bénéfices de l’action climatique
De plus, les bénéfices de l’action climatique seront bien supérieurs aux bénéfices de l’inaction. L’inaction climatique va surtout mettre de l’argent dans les poches des compagnies pétrolières (qui sont parmi les les plus riches dans le monde). Mais il y a deux vrais défis ici.
Le premier est de prendre soin des travailleurs et des communautés qui dépendent du fossile. Par exemple, le projet de loi C-50 pour la loi sur les emplois durables vise exactement à offrir des formations et du soutien pour nos travailleurs pendant la transition, en tenant compte de leur réalité. Oui, c’est ce même projet de loi que Poilievre a essayé de bloquer en causant tout un cirque au parlement d’Ottawa à la fin de l’an dernier. La bonne nouvelle, c’est que les études (comme celle de Clean Energy Canada en 2023) montrent que la transition vers une économie verte qui aura atteint le zéro émission nette en 2050 va créer beaucoup plus d’emplois que des emplois ne seront perdus .
On est sur cette voie, déjà, au Canada ! Le solaire, l’éolien et les batteries sont les pièces centrales de notre avenir énergétique. Il ne faut juste pas que des conservateurs comme Danielle Smith imposent un autre moratoire sur les énergies renouvelables.
Le deuxième défi pour les gouvernements sera d’apprendre à vivre sans les revenus du pétrole. Arrêter de les subventionner comme semble vouloir le faire Steven Guilbeault est un bon premier pas. Mais il faut apprendre à vivre sans ces revenus aussi. En gardant leur tête dans le sable (bitumineux), je ne crois pas que les conservateurs Poilievre, Smith ou Moe puissent aspirer à être les premiers de classe.
Ainsi, une des principales choses, peut-être la plus importante, que nous pouvons faire pour le climat en ce moment, c’est de voter et de dire à tous ceux qui nous entourent que nous ne pouvons pas élire des partis politiques qui encouragent. cette guerre culturelle et minent la lutte climatique. Il est de notre devoir de ne pas mettre les plus convaincus des politiciens pyromanes à la tête du pays.