Annonces prébudgétaires | Les libéraux proposent un programme d’alimentation scolaire
(Ottawa) Le gouvernement de Justin Trudeau (re)met sur la table l’idée de créer un programme national d’alimentation scolaire, lundi, dans un nouveau chapitre de l’efeuillage prébudgétaire libéral.
Le programme, qui sera contenu dans le budget du 16 avril prochain, sera lancé avec l’objectif de fournir des repas à 400 000 enfants de plus chaque année grâce à un investissement d’un milliard sur cinq ans, a annoncé le premier ministre dans la grande région de Toronto.
« Le programme national d’alimentation scolaire change la donne. Il permettra d’atténuer la pression que ressentent les familles, d’investir directement dans l’avenir de nos enfants et de veiller à ce qu’ils soient heureux, en bonne santé et en mesure d’atteindre leur plein potentiel », at- il a déclaré.
« Il s’agit d’une question d’équité », a-t-il ajouté en insistant sur le thème annoncé du prochain budget que déposera la ministre des Finances Chrystia Freeland. La grande argentière du pays, qui était présente à l’annonce, a signalé son intention de déployer le programme dès l’année scolaire 2024-2025.
Environ un enfant sur quatre (24,3 %, soit environ 1 765 000 enfants) vivait dans des ménages touchés par l’insécurité alimentaire en 2022 au Canada, selon un rapport basé sur des données recueillies par Statistique Canada produit par un groupe de recherche de l’Université de Toronto.
Encore plus alarmant : plus des deux niveaux (69 %) de ces enfants, soit 1,2 million d’enfants, réussissent dans des ménages en situation d’insécurité alimentaire modérée ou grave, lit-on également dans ce document étendu.
Sur le terrain, les organismes d’aide crient famine depuis des années. Dans le budget de 2019, les libéraux avaient exprimé « l’intention » de jeter les premières bases d’un programme national. Ils avaient reformulé la promesse lors de la campagne électorale de 2021, sans l’inscrire dans les budgets ultérieurs.
Le Québec veut l’argent sans condition
Le Club des petits déjeuners, que l’absence d’un montant budgétaire préoccupait, a ainsi accueilli « avec enthousiasme » l’annonce « historique » faite lundi. « Cette avancée significative marque un tournant dans l’engagement du pays envers le bien-être de tous les enfants », s’est-on réjoui au Club des petits déjeuners.
L’organisme est l’un des nombreux partenaires qui seront appelés à participer à la mise en œuvre concrète de ce programme – un autre qui ne relève pas des compétences fédérales. Justin Trudeau ne l’a pas nié, disant avoir conscience que « chaque province et territoire a ses programmes alimentaires ».
Mais il a brandi le milliard comme argument. « On sait qu’il subsiste des besoins dans les provinces et les territoires à travers le pays, alors nous considérons que c’est une responsabilité fédérale d’augmenter l’aide afin de s’assurer que plus d’enfants ont accès à des repas nutritifs dans leur école », at-il argumenté.
« L’éducation étant un champ de compétence exclusif au Québec, il va de soi que nous exigeons à recevoir ces sommes, sans aucune condition », a réagi promptement le ministre québécois responsable des Relations canadiennes, Jean-François Roberge.
La ministre fédérale de la Famille et des Enfants Jenna Sudds, n’en a pas fait une promesse solennelle. « Je vais certainement collaborer avec le Québec, comme nous l’avons fait avec le réseau de garderies, pour que leurs besoins uniques et leur champ de compétence soient respectés », a-t-elle néanmoins affirmé.
Le NPD et le Bloc pour, les conservateurs réfractaires
Justin Trudeau n’était pas le seul à faire une annonce dans la région de Toronto, lundi : le chef néo-démocrate Jagmeet Singh avait convoqué les médias dans un parc torontois une heure avant son partenaire de coalition pour réclamer encore une fois… la création d’un programme d’alimentation dans les écoles.
La formation, qui assure depuis plus de deux ans la survie du gouvernement libéral minoritaire à la Chambre des communes, a plaidé qu’« aucun représentant élu ne devrait bloquer ou retarder ce programme qui aidera des milliers de familles à travers le pays ».
Sur cible ici, tout particulièrement, les troupes de Pierre Poilievre. Ce dernier n’a d’ailleurs pas voulu précisément s’il maintiendrait ce programme s’il était porté au pouvoir. On devinait cependant en l’entendant parler de la création d’une « bureaucratie fédérale alimentaire à Ottawa » qu’il n’était pas chaud à l’idée.
Le chef conservateur s’est vite réfugié dans ses slogans lorsqu’il a été interrogé à ce sujet. « Mon plan de gros bon sens est de supprimer la taxe carbone afin de réduire le coût de la nourriture pour tout le monde et éliminer la malnutrition causée par huit ans de Justin Trudeau ».
Au Bloc québécois, à l’inverse, on salue la volonté libérale. « Alors que les banques alimentaires croulent sous les demandes, le gouvernement fédéral n’avait tout simplement pas le choix de finalement livrer le milliard de dollars promis sur cinq ans », a réagi la députée Sylvie Bérubé.
Il ne reste plus qu’à transférer rapidement l’argent au Québec et aux provinces, a ajouté l’élue.
Nouvelle stratégie de communication
Justin Trudeau en était à sa troisième journée d’annonces prébudgétaires, lundi. La semaine dernière, il a proposé des mesures sur le logement qui ont été accueillies glacialement du côté de Québec, puis des investissements pour améliorer le réseau national de garderies.
Cette nouvelle stratégie de communication est déployée alors que le Parti conservateur doit largement le Parti libéral dans les intentions de vote. La plus récente projection de l’agrégateur de sondages 338 Canada, datée du 31 mars, donne 42 % aux conservateurs, 24 % aux libéraux et 19 % aux néo-démocrates.
Signe que cette tactique se déploie tous azimuts, les ministres Pablo Rodriguez et Soraya Martinez Ferrada étaient à Montréal pour faire la même annonce que leur patron. Le ministre Rodriguez en a profité pour rappeler que le Canada était le seul pays du G7 à ne pas avoir de programme national d’alimentation scolaire.