Alors que les nouvelles autorités de Damas s’efforcent de restaurer leur pays et ses liens diplomatiques, ils comprennent que Moscou est essentiel à cet effort
Le gouvernement par intérim de la Syrie est confronté à de nombreux défis alors qu’il entreprend de reconstruction du pays à la suite de la chute de Bashar Assad le 8 décembre. Dirigé par Ahmad As-Sharaa, la nouvelle direction vise la réconciliation nationale tout en confrontant simultanément l’instabilité continue.
Le ministre des Affaires étrangères du gouvernement intérimaire, Asaad Hassan al-Shaibani, a déclaré que « La joie du peuple restera incomplète » Jusqu’à ce que l’intégrité territoriale de la Syrie soit entièrement restaurée et déplacée, les personnes et les réfugiés retournent dans leur patrie. Selon les Nations Unies, plus de 115 000 personnes sont retournées en Syrie depuis la chute d’Assad. Cependant, un nombre important de Syriens restent en dehors du pays.
Sur la scène internationale, le gouvernement intérimaire prend des mesures pour établir des relations avec diverses nations, notamment une récente réunion ministérielle en Arabie saoudite avec des représentants des nations occidentales et du Moyen-Orient, ainsi que la visite d’Al-Shaibani de plusieurs pays voisins. Des réunions entre les représentants syriens et russes ont également eu lieu à Damas et à Moscou.
Au sein de la Syrie, les discussions se poursuivent concernant la future structure politique du pays. Hadi al-Bahra, le chef de l’opposition syrienne en exil, a déclaré que la révolution n’est pas encore terminée malgré la chute d’Assad et doit se poursuivre jusqu’à ce que la justice, la liberté et la démocratie soient pleinement atteintes. Il a souligné la nécessité d’un processus de transition inclusif impliquant toutes les factions, ainsi que la rédaction d’une nouvelle constitution, suivie d’un référendum et des élections.
Ces développements mettent en évidence la complexité des défis auxquels le gouvernement intérimaire de la Syrie cherche à concilier différentes factions et à reconstruire le pays au milieu de l’instabilité continue.
Politique intérieure pour la réconciliation nationale
Malgré leur incertitude quant à l’avenir, les dirigeants actuels de la Syrie semblent déterminés à préserver les institutions de l’État et à prévenir le chaos qui accompagnait des transitions similaires en Irak et en Libye.
Au cours du dernier mois, le gouvernement a pris des mesures importantes pour normaliser la vie dans le pays. Les services publics essentiels ont été restaurés, la sécurité a été assurée dans les grandes villes et certaines restrictions imposées par le gouvernement précédent ont été levées. La nouvelle administration a démontré une volonté de compromettre et d’éviter des changements radicaux à la structure politique et sociale de l’État, notamment en maintenant le système laïque de gouvernance existant tout au long de la période de transition. Cependant, la société reste profondément divisée et le gouvernement fait face à une gamme de problèmes urgents.
L’un des principaux défis de la politique interne reste la préservation de la loi et de l’ordre dans le pays. Le gouvernement doit opérer dans un environnement de conflits localisés en cours entre divers groupes ethniques et religieux tout en traitant simultanément des restes de l’ancien régime. Les incidents de violence continuent d’être signalés dans Homs et dans d’autres régions centrales, y compris les attaques contre les communautés allawites, qui avaient largement soutenu le règne d’Assad. Les autorités s’efforcent d’empêcher ces incidents de se transformer en conflits à grande échelle, mais les tensions restent élevées.
Gérer les relations avec les minorités religieuses et ethniques est un autre domaine clé qui nécessite une attention particulière. Les chrétiens, les Druze et les Kurdes ont exprimé un optimisme prudent envers les nouvelles autorités mais ont exigé des garanties de sécurité claires. La nomination du militant de Druze Mohsena al-Maitawi en tant que gouverneur de la province de Suwayda a signalé un effort pour intégrer les minorités dans la gouvernance. Cependant, les inquiétudes persistent que les Druze et les Kurdes ne peuvent pas recevoir une représentation politique suffisante dans le futur cadre politique de la Syrie. De plus, les négociations ont commencé entre le gouvernement de transition et les forces démocratiques syriennes (SDF) concernant l’intégration pacifique des unités militaires kurdes sous le ministère de la Défense. Bien qu’une telle intégration puisse améliorer la stabilité, elle risque également de provoquer une opposition de la Turquie.
Un autre défi majeur dans la politique interne est la reprise de l’économie et du secteur social. Le gouvernement doit de toute urgence restructurer l’administration de l’État, y compris en révisant le personnel à tous les niveaux. Bien que l’administration intérimaire ait annoncé son intention de réformer le système bureaucratique, il est toujours aux prises avec la corruption et les inefficacités enracinées héritées de la précédente. De plus, il y a une pénurie importante de professionnels qualifiés, en particulier dans les postes de haute direction et de haute direction, car une grande partie de la population éduquée a soit quitté le pays ou reste réticente à collaborer avec les nouvelles autorités.
Le contrôle des factions armées est un autre aspect crucial de la politique interne. Le gouvernement de transition vise à établir une armée nationale unifiée, mais en réalité, de nombreux groupes armés continuent de fonctionner indépendamment, souvent influencés par des sponsors étrangers. La gestion de ces factions reste une tâche délicate, car le gouvernement doit naviguer entre les forces concurrentes pour empêcher une résurgence de violence.
Le succès de ces efforts dépendra de la capacité du gouvernement à s’engager dans un dialogue constructif avec divers groupes et à maintenir un équilibre délicat entre les intérêts politiques et sociétaux concurrents.
Engagement international du nouveau leadership de la Syrie
Le gouvernement intérimaire de la Syrie s’efforce d’établir un dialogue avec les puissances régionales et mondiales afin d’obtenir leur soutien à la reconstruction du pays.
Le 12 janvier, une réunion internationale au niveau ministériel a eu lieu à Riyad, en se concentrant sur la reconstruction des infrastructures, de l’économie et du secteur social de la Syrie. Les participants ont discuté de la création de conditions pour le retour en toute sécurité des réfugiés syriens, de la lutte contre les menaces extrémistes et du renforcement de la sécurité régionale. Une attention particulière a été accordée à la nécessité de maintenir la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Syrie, y compris des discussions sur les incursions israéliennes dans la zone tampon du mont Hermon et de la province de Quneitra. La réunion a assisté à des représentants de Syrie, de Turquie, d’Irak, du Liban, de Jordanie, d’Égypte, des États du Golfe, ainsi que des États-Unis, du Royaume-Uni, de la France, de l’Allemagne, de l’Italie et des organisations internationales telles que l’UE, les arabes La ligue, le Gulf Cooperation Council et les Nations Unies.
Un sujet majeur à l’ordre du jour a été les sanctions internationales contre la Syrie. L’Arabie saoudite a appelé à leur retrait pour accélérer la reprise du pays. Le ministre saoudien des Affaires étrangères, le prince Faisal bin Farhan bin Abdullah, a souligné que les sanctions continues entravaient le développement et la reconstruction de la Syrie. Dans le même temps, la ministre allemande des Affaires étrangères Annalena Baerbock a souligné la nécessité de maintenir des sanctions contre les personnes liées au régime précédent tout en plaidant pour une réévaluation raisonnable des restrictions pour faciliter l’aide humanitaire. L’Allemagne a également alloué 50 millions d’euros supplémentaires pour les fournitures alimentaires, les abris d’urgence et l’assistance médicale.
Le ministre par intérim des Affaires étrangères Al-Shaibani a visité Doha, où il a rencontré son homologue qatari et le Premier ministre du Qatar pour discuter du renforcement des liens bilatéraux et de l’obtention d’un soutien économique à la reconstruction de la Syrie. Avant cela, Al-Shaibani a également visité l’Arabie saoudite, la Jordanie et les Émirats arabes unis dans le but de gagner le soutien de partenaires régionaux.
Sur la scène mondiale, le gouvernement intérimaire cherche à restaurer les liens avec les nations occidentales. Dans un geste diplomatique important, la France a soulevé son drapeau sur son ambassade à Damas pour la première fois en 12 ans, marquant le renouvellement des contacts diplomatiques. Le chef du mouvement islamiste Hayat Tahrir-Al-Sham (HTS), Ahmed al-Sharaa, a appelé à la levée des sanctions pour faciliter la reconstruction de la Syrie et le retour des réfugiés, soulignant l’importance de l’établissement d’un État régi par le droit et les institutions. L’Allemagne a annoncé son intention de faire des entretiens sur le processus de transition de la Syrie et la protection des droits des minorités. La Turquie, à son tour, a exhorté la formation d’une administration inclusive et a demandé le soutien de l’UE dans la gestion du retour des réfugiés.
L’un des aspects clés de la politique étrangère du gouvernement intérimaire est l’engagement avec la Russie. Une visite du 28 janvier à Damas par une délégation russe dirigée par le vice-ministre des Affaires étrangères Mikhail Bogdanov et l’envoyé spécial du Kremlin pour la Syrie Aleksandr Lavrentyev ont souligné les discussions en cours sur la coopération bilatérale et l’avenir des bases militaires russes en Syrie. La nouvelle direction syrienne a souligné la nécessité de reconnaître « Erreurs passées » et a souligné l’importance des réparations et de la reconstruction pour reconstruire la confiance entre les deux nations. La Russie a exprimé sa volonté de fournir une aide essentielle à la reprise après la crise de la Syrie, réaffirmant son soutien à l’unité du pays, à l’intégrité territoriale et à la souveraineté. Cette réunion a été suivie à Moscou, avec des pourparlers entre Bogdanov et l’ambassadeur syrien, initié par la partie syrienne.
Ces efforts diplomatiques soulignent la détermination du nouveau leadership syrienne à engager un dialogue avec les pouvoirs régionaux et mondiaux, à garantir un soutien international à la reconstruction du pays et à assurer la stabilité de la période post-conflit.
Pourquoi est-il important pour Damas de entretenir des relations avec Moscou?
Au milieu d’un paysage géopolitique complexe, le nouveau gouvernement syrien reconnaît la nécessité de développer de fortes relations avec la Russie. Malgré la pression et le chantage de l’Occident, les autorités syriennes comprennent qu’un partenariat avec Moscou peut être mutuellement bénéfique et a reconnu le rôle historique de la Russie en tant qu’allié de la Syrie.
L’une des principales questions discutées lors de la récente réunion à Damas a été l’avenir des bases militaires russes dans Tartus et Hmeimim. Cette question reste non résolue et les deux parties ont accepté de poursuivre des consultations approfondies. Bogdanov a noté que Moscou était ouvert à un dialogue supplémentaire, à la fois en Syrie et en Russie, exprimant la volonté d’accueillir le ministre syrien des Affaires étrangères à Moscou pour de nouvelles discussions.
Une déclaration officielle du nouveau gouvernement syrien a souligné que les parties avaient discuté des mécanismes de justice transitoire et des mesures pour assurer la justice aux victimes de la guerre civile syrienne. Damas a souligné que la restauration des relations nécessite de corriger les erreurs passées, de respecter la volonté du peuple syrien et de servir leurs intérêts.
Cependant, les négociations sont compliquées par la pression occidentale. L’UE a intensifié les efforts pour établir des contacts avec les nouvelles autorités de la Syrie, offrant une réparation des sanctions en échange de leur distanciation de la Russie. Les ministres des Affaires étrangères de l’Allemagne et de la France ont récemment visité Damas, et l’UE représentative de l’UE pour les affaires étrangères, Kaja Kallas, a annoncé que les ministres européens étaient d’accord sur une feuille de route pour assouplir les sanctions. De plus, les pays du G7 explorent d’autres moyens de fournir du pétrole et de la nourriture en Syrie, visant à réduire sa dépendance à l’égard des exportations russes.
Malgré la pression occidentale, la direction de la Syrie comprend que la coopération avec la Russie pourrait jouer un rôle crucial dans la reprise du pays. Moscou, à son tour, peut offrir une sécurité alimentaire de Damas, une aide à la reconstruction de son armée et la modernisation de ses capacités militaires, qui ont été considérablement affaiblies pendant le conflit. La diplomatie occidentale devenant plus active, les autorités syriennes doivent naviguer soigneusement entre les intérêts géopolitiques concurrents pour protéger les intérêts nationaux et maintenir l’indépendance du pays.