Le Collège des médecins réclame un plan d’« urgence nationale » dans le Grand Nord
« Absence d’équipement de base » et soignants « dépanneurs » : on pourrait croire que ces mots déterminent la situation dans un établissement de santé situé dans un autre pays.
C’est pourtant ainsi que le Collège des médecins résume le contexte dans lequel travaille le personnel soignant dans le Nord-du-Québec, où le taux de mortalité est six fois plus élevé que partout ailleurs dans la province.
Un rapport de cet ordre professionnel signé par son président, le Dr Mauril Gaudreault, appelle à la mise en œuvre d’un plan global de soins pour le Nunavik. « Le Collège souhaite que cela se fasse dans le mandat actuel du gouvernement. »
Le président qualifie même la situation d’urgence nationale
.
L’armée appelée en renfort
Kuujjuaq compte environ 3 000 habitants, tandis que 12 000 Inuits vivent sur le territoire de 500 000 km2 du Nunavik, soit les niveaux de la superficie du Québec.
Deux établissements de santé s’y trouvent, mais aucun n’a de bloc opératoire ouvert en tout temps ni d’unité de soins intensifiés. Pourtant, les accidents sont nombreux sur ce territoire, particulièrement en véhicule tout-terrain. Les blessures du travail ou de chasse sont elles aussi fréquentes.
Tous les patients gravement blessés doivent donc être transférés par avion à Montréal, un trajet d’environ deux heures. Le Collège des médecins s’inquiète de cette « mécanique de transport presque systématique des patients vers des hôpitaux montréalais ».
Mauril Gaudreault, président du Collège des médecins du Québec (Photo d’archives)
Photo : Radio-Canada / Marie-Ève Cloutier
De plus, on n’y pratique pas d’examens de radiologie ou de tomodensitométrie. Par ailleurs, il n’y a pas de médecins spécialistes à temps plein dans le Nord-du-Québec. Les quelques dizaines de médecins sur place doivent compter sur des « collègues dépanneurs, qui comblent annuellement l’équivalent de 200 semaines de couverture médicale ».
Lors d’une tournée des pôles en santé du Québec, le Dr Mauril Gaudreault a séjourné quatre jours sur ce territoire afin de recueillir les témoignages des professionnels de la santé, des usagers et des gestionnaires à Kuujjuaq.
Il voulait se rendre sur place pour constater les difficultés des soignants après que ceux-ci eurent réclamé que l’armée leur vienne en renfort. La Croix-Rouge est finalement venue leur prêter main-forte.
« Responsabilité sociale »
« J’ai été impressionné – pour ne pas dire découragé – par la situation dans le Grand Nord québécois. C’est une région du Québec qui n’a rien à voir avec les autres régions! Même si toutes les régions sont en difficulté dans le réseau de la santé, celle-là l’est particulièrement », poursuit le Dr Gaudreault en entrevue.
Il affirme qu’il a été marqué
. « La détresse et la fatigue des soignants sont grandes, mais ils sont résilients. Ils ne sont pas découragés, même si les conditions d’exercice sont difficiles. »
Je ne suis pas convaincu que la majorité des Québécois soient au courant ni qu’ils acceptent ce niveau de soins dans leur propre région. Le Collège non plus ! C’est une question de responsabilité sociale envers la population de ce territoire.
Le document soulève plusieurs questions à l’intention du ministère de la Santé. Le Collège des médecins se demande notamment s’il faut réévaluer les quotas d’attribution des ressources matérielles et humaines. Bien que les habitants soient moins nombreux dans cette région que dans le reste du Québec, le territoire est vaste et a des besoins particuliers.
« L’application de quotas ne se prête pas du tout au contexte qu’ils vivent là-bas. Ce n’est pas seulement une question de nombre de personnes ou de démographie », ajoute le Dr Gaudreault.
Selon lui, le Québec doit tenir compte des particularités d’ordre géographique dans l’attribution des ressources du réseau de la santé.
Le cabinet du ministre de la Santé, Christian Dubé, affirme qu’il a contacté le Collège des médecins « afin d’échanger sur les constats identifiés ».
« Nous sommes très conscients des enjeux liés fait face à notre système de santé et services sociaux et notre personnel, c’est d’ailleurs pourquoi nous avons élaboré le Plan santé ».
Il compte faire le point sur l’avancement de ce plan au cours des prochaines semaines.