Humour et bilinguisme au fédéral : une initiative qui ne fait pas rire tout le monde
Une campagne de sensibilisation du Commissariat aux langues officielles du Canada lancée sur les réseaux sociaux, qui utilise des références à l’Halloween et à des films d’horreur, suscite de nombreux questionnements.
Le commissaire Raymond Théberge affirme dans un courriel que son bureau souhaite utiliser l’humour pour rappeler les droits et obligations linguistiques
à la population générale et aux employés de la fonction publique. Pendant tout le mois d’octobre, une série de messages ont été relayés sur les réseaux sociaux par son équipe.
Jouer avec la culture populaire et les tendances est essentiel pour accroître notre portée
estime M. Théberge.
Cette campagne de sensibilisation est un constat d’échec
de la Loi sur les langues officielles, juge le porte-parole du Bloc québécois en la matière, Mario Beaulieu.
Mario Beaulieu, porte-parole du Bloc québécois en matière de langues officielles (Photo d’archives)
Photo : La Presse canadienne / Adrian Wyld
En faisant référence aux fonctionnaires bilingues qui doivent être dotés d’une patience infinie pour expliquer les droits linguistiques
et d’une balle anti-stress en feuille d’érable pour quand quelqu’un « oublie » que les réunions doivent être bilingues
insinue le Commissariat, selon Mario Beaulieu, qu’on plafonne et qu’il ne semble pas y avoir de progrès
.
La politique de bilinguisme officiel du gouvernement fédéral, c’est un musée des horreurs.
Le député bloquiste souligne qu’au quotidien, on découvre de nouvelles atrocités, l’absence de services en français, des nominations à des postes bilingues anglophones unilingues
.
Ce n’est pas parce que c’est drôle qu’on rit
lance-t-il.
Les francophones désavantagés
Ce qui est déplorable, c’est que même au Québec, on impose l’anglais, puis le français n’est pas du tout la langue commune dans la fonction publique fédérale au Québec
s’insurge le député Mario Beaulieu.
Il est illusoire de penser que les fonctionnaires peuvent utiliser la langue de leur choix au travail, selon lui.
Si vous un anglophone qui veut travailler en anglais et un francophone qui veut travailler en français, ça ne fonctionne pas. C’est toujours la loi de la majorité, donc ça fini toujours par travailler surtout en anglais.
Lorsqu’on parle du bilinguisme à Ottawa, on parle de l’anglais et de la traduction
raconte pour sa part le vice-président exécutif régional de l’Alliance de la Fonction publique du Canada pour la région du Québec, Yvon Barrière.
Le syndicaliste ajoute qu’il ya deux poids, deux mesures actuellement dans la fonction publique fédérale qui désavantagent les unilingues francophones
. Ceux-ci n’ont pas les mêmes occasions d’avancement que les unilingues anglophones, avance-t-il.
Yvon Barrière, vice-président exécutif régional de l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC) pour la région du Québec (Photo d’archives)
Photo : Radio-Canada / Frédéric Pépin
C’est surtout les francophones qui souffrent
de questions liées au bilinguisme, constate aussi le président de l’Association canadienne des employés professionnels (ACEP), Nathan Prier.
C’est inquiétant, c’est choquant, mais ce n’est pas une surprise.
L’ACEP croit que des investissements majeurs dans la fonction publique sont nécessaires pour redresser la situation. M. Prieur souligne par ailleurs que la charge de travail des interprètes et des traducteurs est en croissance depuis quelques années, alors que le nombre d’employés ne l’est pas.
Le cabinet de la présidente du Conseil du Trésor n’a pas souhaité commenter la campagne de sensibilisation du Commissariat aux langues officielles du Canada.
L’attachée de presse Myah Tomasi affirme néanmoins que le bilinguisme constituer une priorité absolue
. Le gouvernement veut continuer à favoriser un environnement de travail propice à l’utilisation de l’anglais et du français
.
Une connerie
selon Impératif français
Le Commissariat aux langues officielles fait fausse route avec cette campagne de sensibilisation, dénonce vigoureusement le président du mouvement Impératif français, Jean-Paul Perreault.
La cache promotion du bilinguisme […] l’arrachage du français et l’anglicisation graduelle du Québec
soutient ce militant de longue date. Si le Commissariat veut faire une promotion comme celle-ci, qu’il aille la faire au Canada anglais
lance M. Perreault.
Il ajoute qu’en exploiter une fête importante pour les enfants
le Commissariat semble inviter les gens à répondre en français et en anglais aux portes
lors de la cueillette de bonbons le 31 octobre.
C’est du lavage de cerveaux.
Le Commissaire aux langues officielles du Canada a décliné la demande d’entrevue de Radio-Canada.