L’élection présidentielle contestée du 28 juillet dernier au Venezuela a des répercussions sur les Amériques, le Moyen-Orient et le monde. Ce pays du nord de l’Amérique du Sud est depuis 25 ans, après la première élection du défunt Hugo Chavez, en 1998, au cœur d’un conflit mondial entre l’axe antioccidental et les forces prodémocratiques.
De nombreux acteurs interviennent de manière indirecte ou directe dans ce pays, certains pour défendre leurs intérêts vitaux, comme le régime communiste de Cuba, et d’autres, comme l’Iran, la Chine et la Russie, pour défier les États-Unis dans l’hémisphère occidental.
Le Venezuela possède la plus grande réserve de pétrole au monde, principalement située dans le sud du pays, dans la zone connue comme la « ceinture de l’Orénoque ». Mais l’entreprise nationale vénézuélienne PDVSA est en ruine après des années de mauvaise gestion et de corruption. Sa production, qui selon toutes les estimations devrait être de 3 millions de barils par jour, est aujourd’hui de seulement 600 000 barils, et dépend principalement d’alliances avec des partenaires espagnols, russes, iraniens et même américains, comme Chevron, sous des licences du département du Trésor américain (le gouvernement Biden a menacé de retirer les licences en raison des élections irrégulières).
Réserve pétrolière
Le Venezuela a été pendant des années un fournisseur fiable de pétrole pour les États-Unis et l’Europe, mais l’évolution de la politique vénézuélienne vers un autoritarisme croissant et des activités criminelles internationales (trafic de drogue, blanchiment d’argent, contrebande d’or) a radicalement changé la situation.
Aujourd’hui, le Venezuela vend le gros de son pétrole à la Chine (pour payer des dettes de plusieurs milliards) et à l’Inde, et envoie chaque jour 50 000 barils à Cuba en échange de services médicaux ainsi que de coopération en matière. militaire et de renseignement.
L’un des facteurs du paysage vénézuélien est l’influence et la participation croissantes des forces islamistes dans la politique et l’économie du pays. Depuis l’arrivée d’Hugo Chávez, le régime a développé des liens étroits avec la Syrie et l’Iran ainsi qu’avec le Hezbollah au Liban.
Le tsar vénézuélien déchu du pétrole, Tareck El Aissami, un homme politique de la gauche radicale, était l’un des liens les plus importants avec les forces islamistes. Fils d’immigrés libano-syriens, El Aissami est aujourd’hui en prison après avoir été accusé par le régime de Nicolás Maduro d’avoir dirigé un réseau criminel impliqué dans le vol de plus de 21 milliards de dollars à PDVSA par le biais de ventes illégales de pétrole sur le marché international, d’opérations de cryptomonnaie et de stratagèmes de blanchiment de capitaux.
Certains analystes pensent qu’El Aissami n’était qu’un pion dans une négociation plus vaste avec le gouvernement Biden, qui a permis la libération du chef de file du clan Maduro, Alex Saab, un Colombien d’origine libanaise, opérateur économique emprisonné aux États-Unis, accusé d’avoir blanchi de l’argent provenant de plusieurs transactions financières douteuses conclues avec le gouvernement vénézuélien.
Finances souterraines
La présence de nouveaux migrants libanais et syriens au Venezuela s’accompagne d’énormes investissements dans les commerces de détail et l’immobilier. Dans une économie déprimée, qui a souffert pendant des années d’hyperinflation, de salaires très bas et d’un pouvoir d’achat en baisse, de nombreux observateurs sont surpris de voir d’importants stocks de marchandises dans les supermarchés, les pharmacies et les grands magasins.
La seule explication à cette situation si particulière est le blanchiment d’argent. Il en va de même pour le marché immobilier, dans la capitale, Caracas, et dans les régions où les « Arabes » (comme les appellent la population locale) achètent (en payant) des propriétés commerciales et résidentielles.
Le principal centre de ces stratagèmes financiers est l’île Margarita, une destination balnéaire des Caraïbes où de nombreux clans d’affaires libanais et syriens ont été liés au Hezbollah. Même si ces liens existent depuis des années, plus récemment, l’intensification des opérations financières a attiré l’attention de la communauté internationale du renseignement.
Deux autres acteurs jouent également un rôle important dans cette histoire : l’Iran et la Turquie. L’Iran est un allié du régime « révolutionnaire » de Chávez et Maduro. La République islamique coopère avec le gouvernement vénézuélien dans différents domaines : exploitation et raffinage du pétrole, vente d’essence (à un pays producteur de pétrole !), coopération militaire, exportation de véhicules et autres biens.
La Turquie est devenue un partenaire commercial clé du gouvernement (les produits turcs sont présents partout au Venezuela), mais elle est aussi la plaque tournante où l’or provenant de « l’Arc minier de l’Orénoque » est raffiné et stocké. Les vols de Caracas à Istanbul sont l’une des rares options de voyage en Europe dans un marché aérien vénézuélien soumis à de nombreuses restrictions.
Amis russes et chinois
Hugo Chavez, ancien officier de l’armée, a changé la relation traditionnelle que le Venezuela entretenait avec les États-Unis et s’est tourné vers la Russie pour les armes et la formation. Au cours des 20 dernières années, le Venezuela a acquis toutes sortes d’équipements russes : chasseurs Sukhoi, chars, missiles, drones, appareils de télécommunication et des milliers de kalachnikovs.
Le président actuel (et contesté) Maduro a continué à entretenir ces relations privilégiées, en ajoutant à l’équation la présence physique de personnel militaire russe et de mercenaires du groupe Wagner sur le sol vénézuélien.
Les Chinois ont également fourni du matériel militaire au Venezuela, principalement des véhicules antiémeutes, des armes, des munitions et des équipements de protection pour la police. Mais la principale préoccupation de la République populaire est la dette impayée de plusieurs milliards que le régime vénézuélien a envers elle pour des projets d’infrastructure (achevés et inachevés) ainsi qu’un grand nombre de biens chinois, allant de bus aux appareils électroménagers et autres produits.
Quel que soit le résultat au Venezuela, cela influencera le rapport de force dans la région latino-américaine et au-delà. La perception d’un affaiblissement des États-Unis a ouvert la porte à d’autres acteurs qui deviennent plus robustes sur la scène internationale.