Une étude récente publiée dans le Journal des troubles affectifs Cette méta-analyse de recherches antérieures a révélé que les personnes souffrant de dépendances comportementales présentaient des schémas distincts de connectivité cérébrale. Plus précisément, ces personnes présentaient à la fois une connectivité réduite et accrue dans les principaux réseaux cérébraux impliqués dans l’attention, la régulation émotionnelle et le traitement des récompenses. Les résultats de l’étude permettent de mieux comprendre comment les dépendances comportementales, telles que la dépendance au jeu ou à Internet, peuvent affecter la fonction cérébrale et suggèrent de nouvelles voies de traitement.
Les addictions comportementales, qui impliquent un engagement compulsif dans des activités comme le jeu, les jeux vidéo ou le shopping, deviennent une préoccupation croissante en matière de santé mentale. Ces addictions peuvent entraîner de graves conséquences personnelles, sociales et financières. Contrairement aux addictions aux substances, qui impliquent des dépendances chimiques, les addictions comportementales se concentrent sur des activités qui procurent initialement des récompenses psychologiques, mais qui finissent par causer des dommages lorsqu’elles deviennent incontrôlables.
Des recherches antérieures ont montré que les personnes souffrant de dépendances comportementales présentent une activité anormale dans les régions cérébrales impliquées dans l’attention, la régulation émotionnelle et le traitement des récompenses. Cependant, ces études ont produit des résultats variables, en grande partie en raison de différences dans les méthodes et les modèles d’étude. Pour remédier à ces incohérences et obtenir une image plus claire, les chercheurs ont mené une méta-analyse, une approche statistique qui synthétise les résultats de plusieurs études. Ce faisant, ils ont cherché à identifier des schémas communs de dysfonctionnement cérébral chez les personnes souffrant de dépendances comportementales.
Les chercheurs ont effectué une méta-analyse de 56 études utilisant une technique appelée connectivité fonctionnelle à l’état de repos. Cette méthode mesure l’activité de différentes régions du cerveau lorsqu’une personne est au repos, ce qui permet aux scientifiques de comprendre comment les différentes zones du cerveau communiquent entre elles. La méta-analyse comprenait des données de 1 755 personnes souffrant de dépendances comportementales et de 1 828 personnes en bonne santé à des fins de comparaison. Les comportements considérés comme des dépendances dans cette étude comprenaient le jeu, les jeux sur Internet, la dépendance au téléphone portable et l’utilisation problématique des médias sociaux.
La recherche s’est concentrée sur six grands réseaux cérébraux :
- Réseau fronto-pariétal, impliqué dans le comportement dirigé vers un but et la régulation descendante de l’attention.
- Réseau d’attention ventral, responsable de la réponse aux événements inattendus et du traitement des stimuli émotionnellement importants.
- Réseau en mode par défaut, qui est actif lorsqu’une personne se concentre sur des pensées internes, telles que la rêverie ou l’introspection.
- Système de récompense, essentiel pour le traitement des récompenses et la motivation.
- Réseau somatosensoriel, impliqué dans le traitement sensoriel et le contrôle moteur.
- Réseau d’attention dorsal, impliqué dans l’attention focalisée vers l’extérieur.
En combinant les résultats des 56 études, les chercheurs ont recherché des modèles communs de sur- ou sous-connectivité dans ces réseaux chez les individus souffrant de dépendances comportementales, en les comparant à des témoins sains.
La méta-analyse a révélé des différences significatives dans la connectivité cérébrale entre les personnes souffrant de dépendances comportementales et les individus en bonne santé. Ces différences comprenaient à la fois une communication réduite (hypo-connectivité) et accrue (hyper-connectivité) entre et au sein de plusieurs réseaux cérébraux clés :
Réseau fronto-pariétal (FN) : les personnes souffrant de dépendances comportementales ont montré une connectivité réduite au sein de ce réseau, qui est important pour maintenir l’attention et contrôler les impulsions. Cela peut indiquer que les personnes souffrant de dépendances comportementales ont une capacité réduite à réguler leur comportement et à prendre des décisions en fonction d’un objectif.
Réseau d’attention ventrale (VAN) : il existe un schéma complexe de connectivité réduite et accrue au sein du VAN. Ce réseau permet de détecter et de répondre aux stimuli émotionnellement pertinents ou inattendus. Une connectivité perturbée dans ce réseau pourrait expliquer les difficultés de régulation émotionnelle et les envies accrues observées chez les personnes souffrant de dépendances comportementales.
Réseau en mode par défaut (DMN) : l’étude a révélé une connectivité accrue entre le DMN et d’autres réseaux, tels que le réseau fronto-pariétal. Le DMN est généralement actif lorsqu’une personne pense à elle-même ou réfléchit à des événements passés. Une connectivité accrue entre ce réseau et d’autres pourrait suggérer que les personnes souffrant de dépendances comportementales ont du mal à se détacher des pensées centrées sur elles-mêmes ou orientées vers l’intérieur, ce qui peut conduire à des comportements compulsifs.
Système de récompense : L’étude a également révélé une connectivité réduite entre le système de récompense et les réseaux impliqués dans le contrôle moteur (SS) et la régulation émotionnelle (VAN). Le système de récompense est essentiel au traitement du plaisir et de la motivation, et sa connectivité altérée pourrait être liée à l’incapacité à contrôler les envies ou les besoins du comportement addictif.
Réseau somatosensoriel (SS) : une connectivité réduite a été observée entre le SS et le réseau fronto-pariétal, suggérant que les personnes souffrant de dépendances comportementales peuvent avoir du mal à contrôler leurs réponses physiques aux envies ou aux comportements addictifs. Cependant, une connectivité accrue a également été observée entre le VAN et le SS, suggérant une sensibilité accrue aux stimuli chargés émotionnellement ou gratifiants.
En résumé, l’étude a révélé un schéma complexe de communication perturbée entre les réseaux cérébraux à grande échelle chez les personnes souffrant de dépendances comportementales. Les résultats suggèrent que les dépendances comportementales sont caractérisées à la fois par une sous-connectivité et une sur-connectivité dans les régions cérébrales impliquées dans l’attention, la régulation émotionnelle, le traitement des récompenses et le contrôle moteur.
Mais comme pour toute recherche, il existe certaines limites. Tout d’abord, la méta-analyse n’a inclus que les études qui utilisaient une méthode spécifique : la connectivité fonctionnelle à l’état de repos. D’autres méthodes de mesure de l’activité cérébrale, comme l’homogénéité régionale ou la théorie des graphes, n’ont pas été incluses, ce qui a limité la portée des résultats.
En outre, la méta-analyse a combiné des données provenant d’études portant sur différents types de dépendances comportementales, comme le jeu et les jeux en ligne. Bien que ces comportements partagent des caractéristiques communes, les recherches indiquent qu’ils ont également des mécanismes cognitifs distincts. Les recherches futures pourraient explorer la manière dont les différents types de dépendances comportementales affectent différemment le fonctionnement du cerveau.
Néanmoins, en identifiant à la fois une connectivité réduite et accrue dans ces réseaux, l’étude fournit une image plus claire des fondements neuronaux des addictions comportementales. Ces résultats pourraient conduire à de nouvelles approches thérapeutiques visant à rétablir l’équilibre dans les réseaux de communication du cerveau. Par exemple, les thérapies qui ciblent des régions cérébrales spécifiques, comme la stimulation magnétique transcrânienne, pourraient aider à améliorer la capacité à réguler les envies et à réduire les comportements compulsifs.
Les addictions comportementales constituent un problème de santé publique croissant, et il est essentiel de comprendre leurs bases neuronales pour développer des interventions efficaces. Bien que cette étude marque une avancée significative, des recherches supplémentaires sont nécessaires pour explorer comment ces résultats peuvent être transposés en traitements concrets pour les personnes aux prises avec des addictions comportementales.
L’étude, «Anomalie du réseau à grande échelle dans la dépendance comportementale», a été rédigé par Pan Chen, Junjing Wang, Guixian Tang, Guanmao Chen, Shu Xiao, Zixuan Guo, Zhangzhang Qi, Jurong Wang et Ying Wang.