Les dirigeants du monde se réuniront cette semaine à Paris avec l’ambition de réinventer le financement mondial pour une nouvelle ère façonnée par le changement climatique, alors qu’une cascade de crises submerge les pays accablés par la dette.
Publié le:
3 minutes
Le président français Emmanuel Macron a déclaré que le sommet pour un nouveau pacte financier mondial visait à construire un « nouveau consensus » pour atteindre les objectifs mondiaux interdépendants de lutte contre la pauvreté, de réduction des émissions de chaleur de la planète et de protection de la nature.
Les idées sur la table vont de la fiscalité sur le transport maritime, les combustibles fossiles ou les transactions financières, aux innovations en matière de prêts et à une refonte structurelle du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale.
La France affirme que le sommet de deux jours, qui débute jeudi et réunira une cinquantaine de chefs d’État et de gouvernement, était plutôt une plate-forme de partage d’idées en amont d’une série de réunions économiques et climatiques majeures dans les mois à venir.
La présidence française a notamment déclaré vendredi vouloir donner une « impulsion politique » à l’idée d’une taxe internationale sur les émissions de carbone du transport maritime, dans l’espoir d’une avancée décisive lors d’une réunion de l’Organisation maritime internationale plus tard en juin.
Confiants dans la pénurie d’approvisionnement suite aux promesses non tenues des pays riches en matière de financement climatique, les pays en développement recherchent des progrès tangibles.
Le groupe V20 de pays en première ligne sur le climat, qui comprend désormais 58 pays membres, a déclaré que la restructuration du système financier mondial pour l’aligner sur les objectifs climatiques doit être achevée d’ici 2030.
« C’est formidable que nous parlions de l’architecture financière internationale, mais nous devons voir des délais et nous n’avons pas vu ces délais », a déclaré à l’AFP Sarah Jane Ahmed, responsable mondiale du V20 et conseillère financière.
« Si nous commençons à faire ce genre de choses dans les années 2030, cela coûtera beaucoup plus cher et les compromis seront bien plus importants. »
Parmi les dirigeants venus à Paris pour défendre ce message figurent le président kenyan William Ruto et le président ghanéen Nana Akufo-Addo, ainsi que la Première ministre de la Barbade, Mia Mottley, devenue une ardente défenseure de la réforme et qui prendra la parole lors de l’ouverture du sommet jeudi.
Parmi les autres participants figurent le Premier ministre chinois Li Qiang, la secrétaire américaine au Trésor Janet Yellen et la chef de la Commission européenne Ursula von der Leyen.
Ajay Banga est également attendu à Paris, pour sa première rencontre internationale depuis qu’il prend la tête de la Banque mondiale, promettant d’accepter le changement.
Avec moins de dirigeants des pays riches présents, Friederike Roder de Global Citizen a déclaré que la conférence pourrait ne pas répondre aux espoirs d’une démonstration d’unité.
« Nous avons besoin que tout le monde s’unisse », a-t-elle déclaré à l’AFP, soulignant que les grandes économies doivent se mettre d’accord sur les réformes.
‘Échoué’
Les économies ont été frappées par des chocs successifs ces dernières années, notamment le Covid-19, l’invasion de l’Ukraine par la Russie, la flambée de l’inflation et les conséquences de plus en plus coûteuses des catastrophes météorologiques intensifiées par le réchauffement climatique.
Le chef des Nations Unies, Antonio Guterres, a déclaré que la pandémie et ses conséquences constituaient un « test de résistance » pour un système financier mis en place il y a près de huit décennies.
« Cela a largement échoué », a-t-il déclaré au début du mois, ajoutant que 52 pays en développement étaient en surendettement ou étaient sur le point de l’être.
La Banque mondiale prévoit d’augmenter sa capacité de prêt de 50 milliards de dollars sur 10 ans.
La semaine dernière, il a également appelé à une réforme drastique pour réorienter les milliards de dollars de subventions nuisibles et inutiles aux combustibles fossiles, à l’agriculture et à la pêche vers des actions en faveur du climat et de la nature.
Actuellement, le monde est loin d’avoir atteint son objectif de limiter le réchauffement à 1,5 degré Celsius par rapport aux températures préindustrielles, ce qui risque d’entraîner des coûts énormes pour la nature, les sociétés humaines et l’économie mondiale.
L’année dernière, un comité d’experts de l’ONU a déclaré que les pays en développement autres que la Chine devront dépenser plus de 2 000 milliards de dollars par an d’ici 2030 pour le développement et pour répondre aux crises du climat et de la biodiversité.
« Écart » d’ambition
Roder a déclaré que l’un des signaux clés du sommet de Paris serait que les pays les plus riches montrent qu’ils peuvent tenir leurs promesses existantes, comme l’engagement non encore tenu de 100 milliards de dollars par an d’ici 2020 pour aider les pays en développement à réduire leurs émissions et à renforcer leur résilience climatique.
L’augmentation de l’argent disponible – en utilisant potentiellement des centaines de milliards de « droits de tirage spéciaux » du FMI pour augmenter les liquidités – fait partie des appels des économies émergentes, ainsi qu’une nouvelle stratégie de prêt.
Une idée défendue par la Barbade est une clause en cas de catastrophe permettant de suspendre le remboursement des prêts pendant deux ans à la suite d’une catastrophe climatique ou d’une pandémie.
Un autre point clé du débat est l’ampleur des dettes existantes.
Cela attirera également l’attention sur la Chine, qui est devenue un prêteur important pour les pays africains, mais qui s’est montrée réticente à participer au cadre commun de restructuration de la dette.
Le sommet de Paris peut faire sortir beaucoup de sujets « de leur niche », estime Louis-Nicolas Jandeaux d’Oxfam, notant toutefois « un écart entre l’ambition initiale affichée du sommet et la réalité ».
(AFP)